SECTES ET MILIEU EDUCATIF
Avant-propos : l'auteur
Note
Définitions
Le phénomène
sectaire pourrait-il plus facilement concerner les milieux éducatifs
?
Raisons d'ordre
professionnel se transformant en motivations personnelles
Groupes spécialisés
Psychologie
et psychiatrie
Opération
séduction
La loi du silence
Lavage de cerveau
- Contrôle mental
Education… de l'éducateur
A
propos du Rapport de la Mission Interministérielle
de Lutte contre les Sectes
Avant-propos : l'auteur
Ancien patron
fondateur d'une organisation scientologue française régionale, Roger Gonnet a finalement
quitté cette secte qu'on peut qualifier de prototype
des sectes coercitives, au bout de huit ans.
Il est l'auteur de l'ouvrage " La Secte " - secte armée
pour la guerre, chroniques d'une " religion " commerciale à irresponsabilité illimitée
(Alban édition, sortie novembre 1998), ouvrage qu'il qualifie d'entreprise
de destruction systématique d'une multinationale de l'escroquerie.
Il entretient par ailleurs les deux sites internet francophones critiques
de la scientologie - dianétique les plus documentés et
les plus complets existant au monde (http://www.antisectes.net) et http://www.home.ch/~spaw1736/sciento-vs-internet [site
pas à jour, note ajoutée], qui contiennent chacun quelques
3 millions de mots.
Note :
Que les lecteurs
veuillent être indulgents
: la plupart des exemples cités proviennent de la secte
prototype. Je ferais d'ailleurs observer qu'elle a tant abusé des
failles juridiques et des lenteurs des gouvernements, qu'en
dehors des Etats-Unis où elle jouit d'une protection
toute relative (suite à des chantages et autres combines
illégales), la scientologie est actuellement partout
décriée; ajoutons que c'est en fait à ses
manœuvres trompeuses que tous les autres mouvements coercitifs
similaires doivent une partie de leurs ennuis : elle a sensibilisé l'opinion
au problème réel du lavage de cerveau et des
techniques de contrôle mental, et reste de très
loin la plus souvent citée ou attaquée, y compris
dans son propre berceau, les USA. Les Témoins de Jéhovah,
qui n'étaient certes pas parfaits mais restaient souvent
acceptables en dehors de quelques détails qu'ils pourraient
probablement régler sans perdre leur âme, ont
par exemple eu le tort de copier certaines de ses politiques
de défense, ce qui leur a valu des retours de bâton.
Les " religions " qui s'entourent désormais d'avocats ne
servant qu'à leur monter le bourrichon et descendre leur portefeuille
- excusez ma trivialité - deviennent forcément suspectes. On
peut les mettre en parallèle avec ces sociétés chimiques
ou pétrolières défendant leurs " droits " après
Bohpal et ses 25000 morts, ou après le naufrage de l'Exxon Valdez
en Alaska, sous la houlette d'un capitaine ivrogne.
Définitions
En dépit de l'intérêt que
représente le débat ouvert sur la question des
définitions de ce que recouvre le terme " sectes ",
nous ne l'aborderons que par un rapide résumé.
Les sectes, au sens fin du XXe siècle le plus connu
et le plus usité, sont ici ces mouvements philosophiques
ou pseudo-philosophiques, religieux ou pseudo-religieux, parfois
mêmes politiques, qui cherchent, pour quelques-uns d'entre
eux, à dominer et contrôler l'existence de leurs
adeptes, à leur soutirer des sommes ou un travail considérable,
et parfois, à faire adopter leur point de vue totalitaire à l'ensemble
de la planète. C'est donc uniquement au sens moderne
du terme qu'il est envisagé ici, à l'exclusion
de ses définitions de base : mouvement dissident d'une
religion principale. Un mot toutefois : certains mouvements
dissidents, en particulier ceux bâtis sur des versions
spéciales de la Bible, sont à la fois des sectes
au sens ancien et au sens moderne. Moon " l'église
de l'Unification " en est un exemple.
Il va de soi qu'il existe de très grandes différences de dangerosité entre
ces mouvements. Nous nous occupons surtout ici des plus dangereux (scientologie
; Moon; IVI ; Hue ; Raël etc). Précisons que si des rapports
officiels comme ceux des Commissions d'Enquête de l'assemblée
nationale en France ou en Belgique, ont cru utile d'établir une liste
de mouvements sectaires, c'est qu'il existe toujours une crainte que certains
d'entre eux, qui étaient calmes et peu gênants jusque là,
ne virent un jour à la folie meurtrière. C'est ainsi que l'OTS
a assassiné la plupart de ses adeptes, sans que quiconque ait pu prévoir
cette fin tragique. On ne peut donc pas se passer d'une liste des mouvements
présentant des caractères sectaires ; cependant, c'est à chacun,
en son âme et conscience, de faire au mieux le tour des caractéristiques
sectaires d'un mouvement, qu'il soit ou non répertorié, avant
de juger de ses dangers éventuels ou de sa qualification de " secte ".
On remarquera cependant que parmi tous ces groupes à prétentions
idéalistes se résumant trop souvent à des questions
bassement financières, aucun n'a jamais accepté de se qualifier
de " secte " ou de " sectaire " . Ce sont en effet des
termes péjoratifs. Cependant, céder au politiquement correct
ne ferait ici qu'aggraver la confusion qu'ils entretiennent eux-mêmes à dessein,
car leurs intentions ne cadrent pas souvent avec leurs activités ou
avec leurs méthodes.
Le phénomène
sectaire pourrait-il plus facilement concerner les milieux éducatifs
?
Il existe un certain nombre des raisons au fait que le milieu éducatif
soit plus particulièrement visé par l'environnement sectaire.
Tout d'abord, c'est de tout temps que les orientations philosophiques, religieuses,
psychologiques, pseudo psychologiques et croyances ont orienté les
méthodes d'éducation. Dans grand nombre de pays, notamment
ceux du bloc islamique, cette influence est encore monopolisée par
les religieux. Dans d'autres, surtout en Occident, la psychologie a partiellement
remplacé le monopole des croyances ; ailleurs, comme dans l'ex-URSS,
l'état et la politique tentaient de tenir le rôle normalement
dévolu aux familles ou aux enseignants : nous avons donc toujours
eu des liens étroits entre ces domaines.
Raisons d'ordre professionnel
se transformant en motivations personnelles :
- Les éducateurs et professeurs sont en
perpétuel contact avec les problèmes humains
: être chargé d'âmes et se sentir responsable
du bien-être et du futur de centaines d'êtres humains
n'est pas chose simple. La multiplicité des problèmes
de conscience et de " technique " - si ce mot peut
réellement s'appliquer ici - entraîne bien souvent
l'éducateur ou le professeur vers un questionnement
de ses théories, de sa pratique, de ses propres méthodes
vis-à-vis de ceux dont il a la charge.
- L'enseignement et la formation reçus dans le milieu éducatif
contribuent aussi à diriger l'attention du professionnel en direction
des problèmes humains : pédagogiques, philosophiques, psychologiques,
sanitaires, sociaux, voire théologiques.
- Les discussions entre collègues, nombreuses et immanquables (au
point qu'on a parfois caricaturé le souci constant d'information des éducateurs
en leur attribuant une déformation professionnelle - " les pédagos " entend-on
dire) ne font qu'accentuer l'importance qu'ils accordent à l'aspect
humain de leur métier, de leur vocation.
- Dans les milieux éducatifs spécialisés, ces premiers
points sont peut-être plus marqués encore puisque c'est là que
les difficultés de compréhension de l'être humain est
la plus criarde : les professionnels de ces milieux pourraient être
davantage tentés d'essayer certaines des solutions qu'offrent ces
mouvements : quand on croit avoir tout essayé et que rien ne marche
pour soigner un cancer physique ou moral, l'envie de réussir peut
mener vers les voies parallèles offertes.
-
Or, que font les mouvements sectaires, sinon fournir la solution , au moins
en apparence, (avec parfois quelques succès) à la cause humaine
?
Les sectes, grâce à un ensemble de principes préétablis
et parfois rigoureux dans leur présentation, grâce aussi à un
charisme et à des techniques d'aide, à divers processus très
présents de love-bombing , paraissent parfois en mesure de donner
un certain nombre de réponses satisfaisantes à ceux qui cherchent à combler
des lacunes, réelles ou imaginaires, dans leur pratique professionnelle.
Hors du milieu éducatif, on trouve probablement déjà une
majorité de gens préoccupés d'améliorer leurs
relations et leurs performances: cette proportion augmente encore chez ceux
qui sont constamment en butte à de réels problèmes humains.
On peut donc facilement imaginer que les mouvements de type philosophiques
séduiront largement et tout naturellement les professions liées à l'enfant
- ou à l'homme - en proportion directe de leur engagement et de
leur dévotion à cette tâche difficile et aux multiples
visages.
Je pourrais citer l'organisation scientologique que j'ai dirigée en
exemple : dans les débuts, plus d'un tiers des "clients " provenait
du milieu enseignant.
On peut aussi constater que la politique suivie dans ces mouvements se modifie
souvent, par opportunisme et pragmatisme, attirant alors d'autres couches
de population ou de profils personnels. De plus en plus axée sur l'argent,
la scientologie semble ainsi désormais plus orientée vers les
professions de l'informatique, du conseil et du commerce, plus capables d'assurer
des versements pouvant dépasser 2 millions de francs par personne
(je peux prouver ce que j'avance).
Groupes
spécialisés
Afin d'assurer
la meilleure pénétration
possible dans le domaine pédagogique, certaines sectes
se sont dotées d'universités (Moon) ou de nombreuses
façades comme le GAME, ABLE, APPLIED SCHOLASTICS, et
de diverses crèches ou écoles ; à ces
groupes spécialisés s'ajouteront des groupes
supposés prendre en charge des problèmes de société criants
auxquels les professeurs et éducateurs sont très
sensibles : les drogues (Narconon, et le Patriarche-Dianova)
; la criminalité (Crimanon) ; les droits de l'homme
(CCDH, CCHR, Ligue pour une Justice Honnête), la tolérance
religieuse etc.
Qu'on ne se fasse aucune illusion : tous ces groupes n'ont
que trois idées
en tête : a/ améliorer l'image de marque de leur secte fondatrice,
b/ attaquer ses ennemis, et c/ trouver de nouveaux membres séduits
par une approche qui leur plairait. Excusez ce jugement radical : j'ai pratiqué assez
longtemps pour les voir à l'œuvre, et un ouvrage complet suffirait à peine à justifier
ce point de vue, tant les exemples sont nombreux.
Psychologie et psychiatrie
Mention particulière doit être faite
de l'attaque enragée de la scientologie envers la psychologie
et la psychiatrie. Dans le même lot, religions et médecine
tiennent une place moins visible parmi les cibles. C'est un
fait que Ron Hubbard avait annoncé " l'éradication
totale de la psychiatrie pour l'an 2000 ".
On comprend bien que ces sujets ne soient ni parfaits, ni finis,
ni leurs résultats toujours satisfaisants. Cependant, la secte profite de ces
faiblesses pour relever avec une opiniâtreté sans faille toute
anomalie réelle ou imaginaire qu'elle publiera en généralisant.
Qu'un psy soit condamné pour tentative sexuelle envers un patient
sera très vite généralisé à " la
psychologie et aux psychiatres ". Si les électrochocs ou les
médicaments psychiatriques ne sont pas la panacée, loin s'en
faut, cela devient " toute la psychiatrie utilise la camisole électrique
ou chimique ".
Ces sujets sont aussi des voies d'entrée dans le monde éducatif
dont profitent ces mouvements prétendant posséder des réponses
parallèles, dont quelques-unes sont effectivement séduisantes.
Hélas, leurs effets secondaires sont souvent dévastateurs lorsqu'elles
sont appliquées sous le contrôle de leurs " inventeurs ",
puisque c'est non seulement le plat de résistance qu'il faudra consommer,
mais les sauces empoisonnées qui l'accompagnent.
Opération séduction
Les mouvements
sectaires ont chacun leurs méthodes
; toutefois, c'est de très loin le bouche à oreille
(quelquefois via les groupes " sociaux " dont il
est question ci-dessus) qui leur fait gagner des parts du grand
marché de l'irrationnel ou du religieux. S'il arrive
assez souvent qu'un quidam soit abordé dans la rue ou
dans les lieux publics, ce sont surtout les démarcheurs
proches de la future victime qui servent d'interfaces entre
la secte vendeuse et ses prospects - c'est là le terme
que certaines utilisent. Le parent, l'ami proche seront davantage
susceptibles de convaincre ces prospects que les conférences
d'introduction, films, livres, discussions de prosélyte à votre
porte, tests et autres illusions.
Quoi qu'il en soit, les dés jetés sont pipés, dans tous
les cas. Les auteurs de l'ouvrage Snapping,
les Dr Flo Conway et Jim Siegelman, sont les auteurs d'une théorie
intéressante portant entre autres sur les phénomènes
observables chez ceux qui pénètrent une secte coercitive. C'est
ce qu'ils nomment snapping, que l'on peut traduire par rupture soudaine
avec l'environnement ou le passé: un nouvel adepte subit en effet des pressions et séances
de conviction ou séduction pouvant entraîner plus ou moins vite
une rupture d'avec ses habitudes de vie, dont l'importance peut s'accentuer
au point qu'il perdra parfois tout contact avec sa famille et ses amis, son
travail, ses centres d'intérêt etc, qu'il dépensera brutalement
la totalité de ses économies ou s'endettera au-delà de
ses moyens, parfois même en trichant largement, allant par exemple
chez plusieurs organismes de crédit qu'il n'informe pas des autres
emprunts qu'il aurait effectué.
Une autre image permet d'illustrer le phénomène de snapping
: tomber amoureux. Quand cela se produit, on constate souvent de vastes changements
d'habitude. Ce serait comparable au snapping subi lors de l'entrée
dans un mouvement. Il est indispensable d'insister sur ce phénomène,
que l'on retrouve assez bien décrit par exemple dans le passage du
procès perdu en novembre 99 par la scientologie à Marseille
; il s'agit d'un médecin cardiologue qui a brutalement accepté de
leur signer un chèque de 132 000 F, après quelques séances " d'audition
dianétique ", ou encore, autre exemple choisi par les juges,
une jeune femme fut non seulement contrainte d'entrer en section psychiatrique à la
suite des effets secondaires néfastes des procédés scientologiques,
mais son ami a immédiatement payé 5000 F de plus à la
secte pour apprendre comment la soigner , alors qu'elle était dans
un état très manifestement alarmant. (Heureusement ici, le
bon sens de son ami a pris le dessus et la jeune femme a passé quelques
jours en repos médicalisé.)
La loi du silence
Il me paraît nécessaire d'aborder
l'un des aspects particuliers de la justice pour expliquer
la relative absence de plaintes à l'encontre de sectes
dangereuses. Illustrons en comparant les victimes de sectes à tous
ceux qui se font avoir par certaines cures d'amaigrissement
miracle et autres fournisseurs en poudres et recettes magiques.
On peut penser que l'acheteur de tels produits imagine confusément
dès le début qu'il pourrait s'agir d'un leurre.
Le temps passé, et de faibles résultats (on peut perdre 2 kilos
en une journée par certains programmes, tout comme on peut avoir des
impressions miraculeuses d'euphorie dans une secte) laisseront le consommateur
sur sa faim - si l'on peut dire ! - Il risque donc de se persuader, durant
un temps plus ou moins long, que les techniques qu'on lui applique ont fonctionné,
et qu'elles continueront à marcher si l'on y consacre de plus en plus
de temps et d'argent.
Deuxième facteur favorisant la durée de l'engagement dans ces
mouvements : l'auto-conviction si naturellement répandue : je ne peux
pas avoir tort à ce point - sous-entendu, j'ai déjà dépensé beaucoup,
les gens autour de moi semblent heureux, je fais mon devoir pour la société,
je fais mon devoir envers Dieu, etc ; corollaire : tout devrait donc s'améliorer.
Troisième facteur, l'abolition de la critique par la démonisation
de ceux qui s'y risqueraient ; le critique n'est habituellement pas attaqué de
front, sauf dans les cas extrêmes : on usera du love-bombing pour lui
démontrer qu'il s'agit de l'œuvre de Satan -c'est vrai pour la plupart
des groupes basés sur des écrits déformés provenant
de religions anciennes, ou pour lui démontrer qu'il a mal compris
quelque pensée essentielle du Maître : c'est là qu'Hubbard
laissa apparaître un certain génie, en provoquant chez ses adeptes
la certitude qu'ils avaient des désaccords avec lui et ses écrits
en raison de leurs (a) mots mal compris ; ou de (b) ses exactions. Une fois
cette certitude provoquée chez l'adepte bien dressé, rien de
plus facile que l'entraîner à penser : " j'ai toujours
tort, puisque j'ai des mots mal compris, et qu'il m'arrive de faire des actes
nuisibles ".
C'est ainsi qu'en dépit des multiples constats d'échecs que
je ressentais autour de moi (abandons répétés de nombreuses
personnes ayant commencé leur voie, ou pour moi-même - par exemple,
en étant incapable de vraiment arrêter de fumer alors que c'était
mon désir), j'ai continué des années durant à pratiquer
et entraîner les autres, espérant un hypothétique lendemain
qui chanterait, tandis que le gourou augmentait les taux des donations et
le nombre des services dans des proportions sans aucune commune mesure avec
les bénéfices imaginaires ressentis - (les bénéfices
psychiques, même imaginaires, sont sur le moment tout aussi convaincants
que les autres).
Nous avons donc à la fois une abolition passive de la critique, et
des moyens actifs de l'imposer quand il le faut. On a découvert dans
certaines installations du gourou criminel d'Aum Shinrikyo, des adeptes emprisonnés
dans des cages, depuis des mois ou plus. La scientologie entretient des véritables
goulags , où elle expédie les récalcitrants, voire tout
simplement, les auteurs de fautes tout à fait involontaires faites
en toute bonne foi pour le compte de la secte.
Quatrième facteur, l'irresponsabilisation du groupe par rapport à l'individu,
et son corollaire, la culpabilisation progressive des membres. Au départ,
l'adepte reçoit des autres convaincus une impression de toute-puissance
du groupe ; il est ainsi amené à croire que ce dernier prendra
les décisions et entreprendra les actions nécessaires à sa
propre perpétuation ; il n'en est évidemment rien : les incartades,
la mauvaise publicité ou les crises d'un adepte entraînent rapidement
des réactions punitives du groupe ou de ses chefs. Les membres finissent
alors par s'estimer responsables de tous les maux de l'univers (en fait,
des seuls du groupe), et n'ont de cesse d'apporter davantage à sa
survie , même au péril de la leur.
Cinquième facteur :à certains niveaux, le groupe peut aller
jusqu'à exiger des crimes ou des délits à des adeptes
triés selon leur engagement… crimes dont il gardera trace, car ils
peuvent servir à exercer des pressions de chantage par la suite :
l'arme est à double tranchant. Notons d'ailleurs qu'il n'y a pas systématiquement
exigence claire du groupe en ces domaines : c'est bien souvent le membre
qui décidera de lui-même de passer la frontière pour
aider sa secte. Au chantage potentiel si l'adepte quitte la secte, s'ajoutera
la honte ou la culpabilité : à la fois la culpabilité des
délits commis pour le compte du groupe et celle d'avoir aidé à piéger
d'autres victimes - souvent des parents ou des amis proches.
Sixièmement, le membre qui s'en va après une période
assez longue souffre la plupart du temps d'un temps de latence souvent considérable
avant de réagir au lavage de cerveau subi ; on s'accorde volontiers à penser,
lors de discussions entre anciens membres, qu'au temps passé dans
le groupe succède un temps plus ou moins équivalent avant de
décider de le critiquer publiquement; nombre de procès contre
ces mouvements se perdent ainsi en route, les délais légaux
de plainte étant dépassés.
Tous ces facteurs combinés à un septième (les bénéfices
imaginaires - ou réels, que chacun en juge par lui-même) et à l'érosion
des souvenirs, chez les moins touchés, auront pour effet d'amoindrir
considérablement le nombre d'affaires pouvant aboutir en justice,
d'autant que certains mouvements -la scientologie encore !- ont ajouté diverses
méthodes extérieures vicieuses ou quasi terroristes destinées à empêcher
les critiques de parler. La scientologie s'arrange pour rembourser une partie
des sommes des clients insatisfaits, peu avant que les procès ne passent
devant les tribunaux.
J'ai ainsi été menacé à huit reprises de poursuites
si je n'ôtais pas de mes sites Internet certains secrets qu'elle vend à ses
gogos pour un million de F ou davantage, et l'on ne compte plus les journalistes,
juges ou policiers ayant fait l'objet de pressions amicales ou inamicales
de ces mouvements. Je n'ai jamais obtempéré à leurs
demandes, ayant été suffisamment renseigné sur leurs
méthodes et sur la légalité de ces documents pour me
le permettre. Tous les critiques n'ont pas eu cette chance.
Lavage
de cerveau - Contrôle
mental
Le fin du fin
des sectes reste le lavage de cerveau, les techniques de contrôle
mental.
Si la psychologie et la psychiatrie s'accordent à dire que le lavage
de cerveau qu'on pourrait qualifier d'absolu ou de définitif n'existe
pas, la simple observation des faits suffit à démontrer qu'il
en existe pourtant à divers degrés. Certains contrôles
mentaux sont assez bénins et très surveillés : la publicité en
fait partie. Les techniques de vente sont un peu plus complexes et aboutissent
parfois à un acte d'achat inconsidéré, que peu de gens
regretteront vraiment ensuite au point d'aller en justice pour réparation.
Les enfants manipulent leurs parents, les parents leurs enfants, etc. C'est
une forme très adoucie de contrôle mental et les règles
en sont habituellement perceptibles, si bien qu'on ne parle pas de contrôle
mental ici ; pourtant, dans les trois cas précédents, se
cache à divers degrés le premier outil utilisé par
les escrocs et les sectes : le mensonge. Cela reste la première
solution pour obtenir de quelqu'un quelque avantage qu'il n'aurait pas
forcément donné, s'il savait la vérité. "Le
maître a demandé 20 F pour… " signifie parfois " je
veux me payer 20 F de bonbons ".
Du mensonge simple, il faut passer au mensonge à étages pour
arriver au domaine qui nous intéresse. Le gourou prendra la bible,
modifiera à sa guise certains passages, les interprètera en
les éclairant d'une lumière qu'ils ne portent pas, et grâce à un
charisme dévastateur qui n'est qu'une seconde facette du mensonge,
parviendra à transformer l'existence de dizaines, puis centaines,
puis milliers d'individus, leur faisant perdre tout sens critique. Des groupes
comme celui de Jim Jones, 930 morts au Guyana, démarrent petit ; leurs
fondateurs ne calculent même pas forcément les effets de leurs
paroles, à tel point que Le Temple du Peuple fut classé bénin
durant des années… au cours desquelles la paranoïa parfois liée
au pouvoir acquis peu à peu par le gourou sur ses troupes le transforme
instant après instant en un dangereux tyran. Ce type d'hypnose des
foules n'est pas nouveau ; les Hitler, Staline et autres dictateurs en disposent
aussi. Imagine-t'on les allemands obéissant comme ils l'ont fait,
sans qu'une combinaison de forces psychologiques, financières, et
individuelle leur soit appliquée ?
Education… de l'éducateur
Si toute sorte
de remèdes sociaux ont été mis
en branle pour tenter de juguler ces groupements, aucun n'a
remplacé l'éducation ; c'est un truisme qu'affirmer
que la première arme contre le mensonge reste la vérité,
que la meilleure méthode pour lutter contre l'absence
d'esprit critique reste l'éducation et la formation
de cet esprit critique.
Permettez-moi donc d'encourager les discussions à ce sujet, en essayant
d'éviter les aspects trop peu importants, telle l'histoire du tchador à l'école
que je prends ici en illustration. Le problème est bien davantage
une affaire de fond que de forme. Le jour où les femmes et filles
fréquentant nos écoles démocratiques comprennent mieux
les valeurs humaines et les droits de l'homme, elles cessent, je le crois,
de s'inquiéter de la forme-tchador, pour s'intéresser davantage à leurs
propres droits et devoirs. Le jour où les aspects choquants d'un groupe
fasciste sont répertoriés ou plus facilement reconnus grâce à l'éducation,
le groupe perd sa clientèle, ou cesse d'être fanatique, à l'exception
de ses marges extrémistes.
Ce jour-là, nous y gagnons tous, car même si l'on peut reconnaître
aux abus une certaine valeur éducative en soi, autant les réduire
pendant qu'il est temps. Aucun besoin désormais d'une Shoah pour faire
passer l'anti-racisme , et aucun besoin de religions ou sectes voulant dominer
le monde pour savoir que les hommes méritent qu'on leur applique les
recommandations de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Le
rapport de la Mission interministérielle de Lutte
contre les Sectes
Peu avant que
ne sorte l'article sur les sectes, nous avons reçu ce
long et intéressant
document proposant diverses mesures pour lutter plus efficacement
(texte
complet http://www.antisectes.net/mils2000htmfr/htm ou
en word, zippé : http://www.antisectes.net/mils2000wordfr.zip).
J'aborderai ici surtout les aspects touchant à l'enseignement
et aux organismes sociaux.
Globalement, il s'agit d'un bon texte, précis, même si les lectures
parfois hâtives qui en ont été faites n'ont pas immédiatement
abouti à une relative unanimité quant aux solutions porposées
: il y a de fortes chances qu'au fil du temps on y découvre de plus
en plus d'avantages et d'efficacité.
Le document est très orienté vers le respect des droits de
l'homme, la qualification de secte au sens moderne étant attribuée
après que des mouvements aient gravement violé ces droits - à répétition,
et sur de longues périodes.
Dans l'Education Nationale, nombre d'actions d'information sur les sectes
ont été entreprises, sous la houlette de M. Groscolas,
inspecteur général, afin par exemple d'améliorer
la formation des maîtres dans les IUFM, et d'en faire prendre conscience
aux élèves, par le biais des manuels d'instruction civique.
Suite à ce qui pourrait passer pour ambiguïté du rapport,
certains ont pu croire qu'il était question de surveiller les
croyances des professeurs ; ce n'est évidemment pas le cas : le
rapport se contente de signaler que des parents d'élèves
proposent que les professeurs membres de certains groupements douteux
n'aient pas de contacts avec les enfants, la Mission ne prend pas parti
.
Pour l'essentiel, le passage consacré aux relations entre la mission
et le Ministère de l'E.N. tend à rappeler que le point essentiel
concerne les droits de l'enfant - en particulier son épanouissement,
dans le respect de la Convention Internationale des droits de l'Enfant (que
seuls, rappelons-le, les USA et la Somalie n'ont pas signée).
Le chapitre consacré au Ministère de la Jeunesse et des Sports
va dans le même sens, et rappelle que ce Ministère fut l'un
des tout premiers à s'engager dans des actions d'information et de
surveillance vis-à-vis des groupes présentant des caractéristiques
sectaires trop affirmées.
Un long passage (au titre du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité)
a trait au fait que dans le domaine des psychothérapies et de la formation
professionnelle, aucun diplôme n'est exigé pour exercer, ce
qui a permis à diverses sectes [psychogroupes, comme les ont nommées
nos voisins outre-Rhin, ou sectes psychanalytiques, selon le rapport de 1996
de nos députés] de s'engouffrer dans une brèche de ces
domaines au sein desquels la multitude des techniques et écoles laisse
place à une confusion possible entre techniques éprouvées
et douteuses compétences.
Enfin, l'on observe que parmi les cibles préférées de
certaines sectes se retrouvent des organismes à vocation sociale :
la direction générale de la Santé, la direction de l'action
sociale, l'association nationale pour la formation du personnel hospitalier
(ANFH) et d'autres organes similaires sont souvent sujets aux tentatives
d'entrisme [la scientologie s'est fait aux Etats-Unis une spécialité d'organiser
des colloques de management destinés aux dentistes ou médecins,
par exemple. Sans doute, l'attrait de ces milieux financièrement aisés,
largement écoutés par le grand public et habitués par
ailleurs à ne pas disposer d'une unique réponse face à un
symptôme, facilite-t'il le choix prosélyte qu'en font les sectes.
Certaines d'entre elles comportent aussi nombre d'avocats : ceux-ci trouvent
là une clientèle aux fonds illimités]
La définition assez brutale (et assez juste à mon sens) que
la Mission a donné du terme " sectes " parachève
le texte : on imagine quelles sont les plus visées: