L'histoire vraie d'un brillant scientologue, ayant fini sa vie ruiné et suicidé
   

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The Chicago Reader

www.chireader.com pour l'original anglais


[article en couverture du magazine The Chicago Reader, avec une photo tabloïde de Greg Bashaw:]

La Mort d'un Scientologue
par Tori Marlan

Sous-titre: Le père de Greg Bashaw le respectait et lui faisait confiance, pensant qu'il était capable de faire de bons choix. Même quand il décida de vouer sa vie à la scientologie.

ALORS QUE RESONNE ENCORE EN LUI LE CHAGRIN du suicide de son fils, Bob Bashaw relit ses décennies de correspondance avec lui, en y cherchant des références à la scientologie. Il y avait plus de vingt ans que son fils Greg fréquentait la scientologie. D'autres membres de la famille avaient fait connaître leurs craintes à ce sujet. Mais Bob était favorable au choix de son fils, car il croyait que les gens devaient être libres de pratiquer leur religion sans qu'on les ennuie à ce propos, et parce qu'il ne parvenait pas à trouver de bon motif de s'y opposer.

Cela changea en novembre 2000, lorsque soudain, dit-il, Greg "se brisa en mille morceaux". Il venait de perdre son travail dans la publicité. Et il annonça que son église venait de l'excommunier [ndt : la secte appelle ce phénomène « déclaration de personne suppressive »]. Sept mois plus tard, avec plus de 50000 dollars de dette, il mettait fin à ses jours sur le bas-côté d'une route du Michigan, laissant derrière lui son épouse depuis 20 ans et un fils adolescent à qui il adressait une courte note dénuée d'émotion.

Depuis l'évènement, Bob s'est battu pour tenter de faire coller l'acte définitif de Greg avec la vie qu'il avait vécue. "Il me fallait comprendre, dit-il, car je le connaissais, et ça, ce n'était pas lui. C'était quelqu'un d'aimant, de gentil, qui payait ses factures, et qui montrait son affection. Il embrassait, il serrait dans ses bras. Que diable a-t'il bien pu lui arriver?"

Bob est un jeune septuagénaire de 74 ans, grand et souple, à la peau rude et à la chevelure abondante. Greg était moins grand, moins large, mais les gens leur trouvaient une vraie ressemblance. Greg était l'aîné des enfants de Bob, le seul des trois dont il ait été très proche.

Quand Bob avait atteint 46 ans, l'age auquel son fils s'est suicidé, sa vie avait été chamboulée. Il avait perdu son travail, avait divorcé après 22 années de mariage, on lui avait diagnostiqué un cancer de la peau, et de plus il lui fallait subir une gingivectomie pour éviter de perdre des dents. Mais malgré toutes ces malheurs, il ne songea pas un instant au suicide. Si bien qu'au début, il ne parvenait pas à comprendre pourquoi Greg n'avait pas su trouver d'autre moyen pour mettre fin à ses souffrances, et pourquoi il n'avait pas réagi normalement aux efforts de tous ceux qui voulaient l'aider.

Mais après la mort de Greg, Bob découvrit des choses qu'il ignorait à propos de son fils. Et il en découvrit beaucoup sur l'église de scientologie. "Je crois qu'il a pensé que ce choix final était le seul qui lui restait, écrivit Bob à son fils cadet, quelques mois après le décès de son aîné. Il avait peut-être raison."

C'est par accident que Bob apprit l'intérêt de Greg pour la scientologie. En décembre 1979, Greg avait écrit un mot à un ami, mais l'envoya par erreur dans une enveloppe destinée à son père.

Greg avait 25 ans à l'époque. Il était diplômé de journalisme depuis quelques temps à l'université de Kansas. Une fille qu'il avait fréquenté à l'école dit que "
c'était le genre de gars qui réfléchit assez en profondeur aux choses, et veut explorer le monde pour savoir de quoi il retourne". Il étudiait le bouddhisme, pratiquait le yoga, traversait les Etats-Unis en bus, et faisait du stop en Europe.

Chacun confirme les inclinations artistiques de Greg, son envie de se jeter à corps perdu dans la créativité. Il jouait de la trompette et du piano d'instinct, et d'après son ex-petite amie, il allait parfois dans les clubs de jazz. Lors de vacances de Noël en Espagne, il s'était retrouvé sans le sou et se débrouilla pour vivre en jouant du piano dans les bars en attendant que Bob lui envoie des subsides.

Greg écrivait aussi des nouvelles et des poêmes, en plus de ce qu'il écrivait pour vivre. Il fut embauché quelques temps à la fin de ses études comme journaliste dans un papier du Kansas, puis dans United Press International, et bifurqua comme son père dans la publicité. Bob explique que Greg rencontra Laura alors qu'il travaillait sur une annonce destinée à une société de Michigan Avenue: elle deviendrait sa femme. Ils firent un voyage à Vail fin 1979, et c'est de là que Greg expédia son courrier par erreur à son père. Bob dit que Greg lui a permis d'en prendre connaissance.

Dans la lettre, Greg passerait pour un insouciant, il s'y réjouit de merveilles naturelles comme "un pinson perché sur la véranda, des marmottes dans la neige, des castors qui construisent leur barrage dans une gorge..." Mais le récit du voyage ne s'arrête pas à cette appréciation de la vie sauvage. Greg entreprend son éveil spirituel. "C'est le destin qui m'a attiré là, écrit-il. Je m'attelle aux axiomes fondamentaux de scientologie." Il relate avoir découvert "son oeuvre de vie spirituelle, qu'il décrit comme une sensation inhabituelle, bizarre. " Ca l'a pris par surprise. "Après tant d'hiver, on a l'habitude de se demander quand arrivera le printemps".

Bob a pris garde de ne pas imposer de religion à ses enfants. Son éducation avait englobé ce qu'il décrivit dans une lettre à son fils comme "du luthérianisme qu'on m'a enfourné à l'entonnoir". Il quitta la demeure de ses parents avec sa croyance en Dieu intacte - et une aversion pour la doctrine..

En 1958, alors que Greg avait quatre ans, les Bashaw s'établirent à Elmhurst [une banlieue de Chicago, ndt]. Le faubourg venait d'entamer son développement d'après-guerre, si bien que les églises y poussaient comme des champignons, d'après "La Cité Perdue - The Lost City" d'Alan Ehrenhalt. Quelques années après l'arrivée des Bashaw, les Jeunesses Chrétiennes locales avaient entamé une campagne "pour remettre le Christ dans la fête de Noël", en essayant par exemple de dissuader les gens d'utiliser l'abréviation XMas au lieu de Christmas, et en incitant les commerçants à exposer des scènes bibliques dans leurs devantures. Le "Elmhurst Press" pontifiait sur la nécessité d'aller régulièrement à l'église.

Bob se joignit à l'église la plus indépendante qu'il put trouver, la First
Congregational Church, laquelle était davantage sous la coupe de ses adeptes que de ses ecclésiastiques. Il aimait y mener ses enfants, mais ne s'alarmait guère que Greg préfère parfois jouer plutôt qu'assister au service dominical.

Greg s'intéressa davantage à la religion lorsqu'il passa quelques mois chez Bob, à la fin de ses études universitaires. Bob se souvient qu'il discutait Bouddhisme et Christianisme, qu'ils visitèrent même la Fondation Urantia à sa demande. Urantia, c'est un groupe déclarant que ses écrits sont l'oeuvre "d'êtres célestes". Bob savait que Greg était en recherche de signification spirituelle. Dans cette lettre expédiée de Vail, il se réjouit d'apprendre que Greg ait trouvé.

L'église de scientologie a été fondée en 1954, année de la naissance de Greg. En 1967, le Fisc américain constatait qu'elle fonctionnait comme une affaire commerciale plutôt que comme une religion, et révoquait son statut sans but lucratif, statut qu'elle parviendrait toutefois à récupérer après 26 années de guerres judiciaires. Elle prétend aujourd'hui avoir huit millions de membres dans le monde.

La scientologie est née des théories que l'écrivain de science-fiction L. Ron Hubbard épousa dans son ouvrage, truffé de "scientologais", "La Dianétique, Science Moderne de la Santé Mentale" [ré intitulé en France "Puissance de l'Esprit sur le Corps"]. Hubbard prétendit avoir identifié l'unique source du malheur - et le remède. Il annonça que le malheur venait du "mental réactif", lequel était plein "d'engrammes", c'est à dire d'images mentales de toutes les choses perçues par quelqu'un lors de moments d'inconscience ou de douleur physique ou émotionnelle intense. Plus tard, si la personne perçoit des choses similaires à celles présentes dans l'engramme, cela pourrait réactiver les engrammes et provoquer des souffrances. La clé du bonheur consisterait à oblitérer les engrammes - les rassembler comme des agneaux attendant l'abattoir.

Hubbard promit de grandes choses une fois les engrammes d'une personne enlevés: intelligence plus élevée, vue meilleure, disparition de quantité d'ennuis, y compris des psychoses, maladies psychosomatiques, névroses, compulsions, et répressions. Il intitula cet état "Clair", disant qu'on ne pouvait y parvenir qu'en se servant d'une percée technique thérapeutique nommée "audition". Pour l'audition, une personne doit s'asseoir dans une pièce et répondre à des questions - pas du genre de celles qu'on vous pose lors d'une thérapie de discussion, mais un ensemble spécifique préétabli par Hubbard. Il ajouta que l'audition était une "technologie" précise, qui, si elle était appliquée convenablement, produirait toujours les mêmes résultats. Il introduisit en 1959 un appareillage dénommé E-Meter [ou électromètre] supposé aider au processus. La personne qu'on audite tient les électrodes - des boites comme des boites de conserve, vides - censées transmettre l'énergie émise par les pensées de la personne. Selon la scientologie, l'auditeur "lit" les mouvements d'une aiguille, lesquels ont une signification particulière. Ces mouvements lui servent de guide pour déterminer les sujets à approfondir. Hubbard pensait que les êtres étaient des esprits immortels emportant leur bagage des incarnations précédentes, et les scientologues croient souvent faire revenir des engrammes des vies passées, au cours de leurs séances d'audition.

Les théories hubbardiennes confirment la vue que Greg a du monde. "Je crois que l'homme est un esprit et qu'il vit de nombreuses fois", écrit-il à son père bien des années après être entré en scientologie, si bien que les ennuis qu'on rencontre dans une existence sont le résultat de toute l'expérience du passé. Cette croyance a fait de ma transition à la scientologie un fait naturel, puisque la scientologie croit en ceci et a élaboré une thérapie fondée sur ceci."

Avant qu'Hubbard meure en 1986, il avait établi les étapes exactes pour parvenir à la liberté spirituelle. Elles comprennent des séances d'audition coûteuses, des séminaires d'entraînement, et des cours avancés - l'église disant néanmoins que les prix payés pour ces services sont une donation.

Dès le tout début, il ne s'agissait pas d'une église ordinaire: en tentant d'atteindre l'illumination - en tentant de traverser ce qu'Hubbard nomma "Le Pont vers la Liberté Totale", on peut se mettre en faillite. Greg semblait vouloir payer tout ce qu'il fallait. Très tôt, il emprunta à son père des milliers de dollars destinés à ses pérégrinations scientologues. Bob dit que Greg se servit d'un des prêts pour aller prendre des cours avec Laura au complexe que possède la scientologie à Los Angelès. Il paya le près et l'intérêt, expliquant qu'il avait été fortement incité par l'église à donner l'argent. "Ce qui s'est passé, écrivit-il à son père le 21 janvier 1981, c'est que notre officier des finances nous a dit qu'il fallait 1700 dollars de plus pour régler l'ensemble de cours que nous achetions. Il fallait les donner la semaine dernière, sinon, le tarif augmentait en raison des augmentations annuelles qu'il n'avait pas appliquées jusque-là à cause de diverses tâches administratives. Tout simplement, si on ne lui donnait pas les sous avant mercredi, on perdait 500 dollars.

L'église encourage les néo-scientologues à prendre 12h30 d'audition par semaine. D'après le porte-parole scientologue de l'organisation de l'Illinois, les séances peuvent coûter 200 dollars de l'heure, mais cela peut changer si la personne s'audite en équipe avec quelqu'un d'autre, ou si elle prend des auditions d'auditeur professionnel. La porte-parole indique qu'il n'est pas inhabituel d'avoir besoin de 150 ou 200 heures pour devenir clair.

En mars 1981, Bob reçut une lettre de la maman de Greg, qui venait de lire un article perturbant sur la scientologie dans le "Reade Digest": "Scientologie, anatomie d'une secte terrifiante". Il dépeignait Hubbard comme un "mégalomane entouré d'assistants pourvoyant à ses désirs au moindre caprice", y compris de jeunes filles qui lui allument ses perpétuelles cigarettes et en recueillent les cendres."

L'auteur indiquait que l'église avait sa propre unité punitive, le "Projet Force de Réhabilitation" et qu'elle conservait des détails sur des choses intimes avouées durant les séances d'audition afin de faire du chantage, au cas où les gens voudraient s'en aller ou dénoncer l'église.

L'article signalait aussi des "agents fanatiques" scientologues, impliqués dans des affaires de cambriolage, espionnage, kidnapping et campagnes de diffamation, destinés à accomplir les plans scientologues. [ndt: la secte a tenté de faire interdire cet article dans au moins quatre pays européens, attaquant pour diffamation etc., et a perdu tous les procès]. L'article explique aussi qu'ayant perdu son statut sans but lucratif, l église a inondé les agents du fisc américain de procès et que des cadres supérieurs de l'église sont allés jusqu'à enquêter sur des fonctionnaires de l'IRS, à les harceler, à infiltrer des offices du gouvernement, et à voler des documents ayant trait à Hubbard ou à l'église.

L'année où Greg y entra, en 1979, la troisième épouse d'Hubbard, Mary Sue et plusieurs autres dirigeants scientologues étaient poursuivis pour vol et conspiration liés à la guerre menée par l'église contre l'IRS. (En 1993, l'IRS changea d'avis sans explication après que des scientologues dirigeants aient rendu une visite impromptue au Commissaire chargé des statuts sans buts lucratifs: l'IRS rendait le statut à la scientologie, en dépit du fait que la Cour Suprême des Etats-Unis ait maintenu la décision antérieure de la révoquer.)

L'article du Readers Digest mettait par ailleurs en garde contre de possibles effets négatifs lors de l'audition. Ainsi que des repentis de l'église l'ont attesté, certains deviennent hystériques et psychotiques durant l'audition. On les enferme pour les isoler. On ne s'étonnera pas qu'il y ait des suicides.

La maman de Greg dit dans sa lettre que lorsqu'elle a questionné son fils au sujet de l'article, il avait prétendu "que ça avait été mis là par les psychiatres impliqués dans une conspiration contre la scientologie". Bob s'aperçut ensuite que Greg avait déjà gobé le laïus scientologue.

Hubbard avait décidé d'une vendetta à l'encontre des psychiatres et psychologues, lesquels le critiquait de ne pas avoir donné de preuves des prétentions affirmées dans la Dianétique.

 

"Je crois qu'il a pensé que ce choix final était le seul qui lui restait, écrivit Bob à son fils cadet, quelques mois après le décès de son aîné. Il avait peut-être raison."

 


[photo: Bob Bashaw]

Peu après la publication de la dianétique, l'association psychologique américaine passait une résolution interdisant à ses membres de se servir des techniques d'Hubbard, sauf dans un but de recherche scientifique. De grands professionnels de la Santé Mentale ridiculisèrent Hubbard en raison de ses prétentions énhaurmes, et s'inquiétèrent des effets potentiellement néfastes de ses techniques. "La Dianétique ne respecte pas les complexités de la personnalité et ne les comprend pas," écrivait le psychanalyste Erich Fromm dans les critiques littéraires du New York Gerald Tribune, dès septembre 1950. Les problèmes de valeurs et la conscience n'y existent pas. Tous les grands philosophes et enseignants religieux ont perdu leur temps. Il n'existe aucun problème qui ne vienne pas d'un engramme, et leur pensée ne vaut rien puisqu'elle ne tenait pas compte des découvertes d'Hubbard."

Cette critique fut, d'après la littérature scientologue, le tir qui entama la guerre. Hubbard écarta toute critique venant des professions touchant la santé mentale, en disant que leur motivation était intéressée. Il prétendit que sa thérapie était une sérieuse menace à leur crédibilité et à leurs portefeuilles, et qu'elle finirait par démontrer qu'ils étaient des escrocs. Et il continua l'offensive. Un ex-scientologue dit: "On endoctrine continuellement les scientologues en leur disant que la psychiatrie est ennemie de l'humanité. Chaque cours, ou conférence d'Hubbard, ou livre, contient des attaques de la psychiatrie."

D'après nombre d'articles et procès, Hubbard institua une règle du "Gibier de Potence" (Fair Game) en 1967, règle qui donne semble t il aux scientologues le feu vert pour commettre des actes criminels à l'encontre des "Personnes Suppressives". Les Personnes Suppressives, ou Oppresseurs, ou "SPs" sont les gens qui restreignent la scientologie, qui entravent son but de "clarifier la planète". Cela inclut les amis ou la famille de scientologues essayant d'empêcher leur connaissance d'avancer en scientologie, des repentis passionnés qui dénoncent la religion, et des journalistes qui engendrent une mauvaise publicité. Selon bien des rapports, la règle du Gibier de Potence [Fair Game] indiquait que les SPs "pouvaient être privés de leurs biens ou blessés par tout moyen, y compris le mensonge, la tricherie, ou la destruction."

Les porte-parole du mouvement disent que les critiques ont mal interprété la lettre originale d'Hubbard, et ajoutent qu'il l'aurait révoquée en 1968, citant que c'était "parce qu'elle provoquait de mauvaises relations publiques". Mais selon divers repentis de haut rang, la règle est toujours utilisée. En 1969, l'église a créé la Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme (CCDH) pour enquêter sur les abus commis dans le domaine de la santé mentale. Au cours des ans, le CCDH a commis des volumes de littérature anti-psychiatrique et anti-psychologique ayant l'apparence d'études scientifiques, arguant que "les psychiatres étaient les émanateurs du régime nazi cachés derrière Hitler", que 10 à 25 % des psychiatres, psychologues et psychothérapeutes admettent carrément avoir abusé sexuellement des patients, et que les deux tiers sont "gravement malades mentalement parlant".

Pour autant que son père le sache, l'expérience que Greg avait de la profession santé mentale est limitée. Il avait rencontré un thérapeute pendant un moment à l'université, mais n'était semble t il par très bien tombé. Bob ne pense pas qu'il avait quoi que ce soit de sérieux contre la profession.

La maman de Greg, décédée, écrivit aussi dans sa lettre de mars 1981 n'être pas la seule à s'inquiéter de l'intérêt de Greg pour la scientologie. Bob dit qu'après que Bob se soit fiancé avec Laura, il commença à se faire houspiller par la belle-famille du fait qu'il l'avait emmenée là-bas. La lettre de la maman de Greg explique que la maman de Laura était particulièrement bouleversée. Greg a dit qu'ils avaient dû se dépêcher de sortir de la douche le matin pour calmer sa maman et lui expliquer les choses.

Les Bashaw avaient passé par un sale moment lors du divorce. Bob explique qu'il a rarement eu des contacts civils avec son ex-femme, si bien que cette lettre est un gage de non hostilité. Il croit qu'elle l'implorait de faire quelque chose, mais il ne voyait pas ce qu'il pourrait faire. Greg avait choisi sa religion, il avait 26 ans, trop vieux pour que ses parents se mêlent de ses affaires. La vie offrait de nombreux choix, et Bob faisait confiance à ce fils intelligent, réfléchi, pour prendre les bonnes décisions. Greg était journaliste de métier: il posait des questions.

Greg et Laura se marièrent devant un pasteur de la scientologie à l'été 1981. Bob, qui s'était remarié quelques mois plus tôt, n'avait jamais vu semblable cérémonie. "C'était un truc comme "Est-ce que vous avez vu de la lumière? Est-ce que vous la voyez? Bien. Oui, ça ne signifiait rien pour moi. - mais pour eux, si, ajoute t il ». (Laura a refusé d'être interrogée, tout comme les autres enfants de Greg).

Quelques mois après le mariage, le Readers Digest publia un autre article négatif sur la scientologie. Cela disait que Hubbard contrôlait non seulement les comptes en banque des gens, mais aussi leur tête, et souvent avec des effets dévastateurs. On y lisait d'autres choses sur le suicide: "Un jeune allemand qui essayait de se libérer depuis deux ans des griffes de la secte a quitté la maison de ses parents le jour de Noël et s'est couché sur le passage d'un train. Un jeune parisien qui avait entrepris des auditions à la secte a quitté son emploi, s'est enfermé et s'est tailladé les veines. Pendant qu'il saignait à mort, il écrivit: "Allez donc à la scientologie, vous comprendrez tout".

Bob ne se souvient pas exactement de ce qu'il a lu à l époque sur la scientologie, mais il savait qu'elle avait eu mauvaise presse. Il questionna Greg à ce propos durant un repas, mais Greg lui promit qu'il s'agissait de mensonges. Bob laissa tomber. Il était fier d'être le genre de père qui respecte l'individualisme de ses enfants. Greg appréciait le style de parent de Bob; il lui écrivit en décembre 1981: "Je suis très heureux de t'avoir comme père! Tu m'as toujours encouragé à développer ma propre vie et mes idées, sans m'occuper de problèmes de caste et de circonstances. Merci pour cela."

Greg attribuait certaines des choses qu'il aimait le mieux à l'influence qu'avait eu son père. Il ajoutait dans cette même lettre que ses "recherches philosophiques et religieuses" lui avaient été inspirées par son père. "Je t'ai toujours connu en tant que penseur, philosophe amateur et en individu capable d'extrapoler, et suis heureux d'avoir aussi certaines de ces caractéristiques." Greg espérait rendre la pareille à son père et disait que la meilleure façon consistait à l'introduire en scientologie. Il écrivait: l"ennui à ce propos, c'est qu'il n'existe aucun autre domaine de connaissances à quoi comparer ça au point de vue amplitude, précision et efficacité. La comparer à la psychologie revient à la dégrader, la comparer au christianisme est très inexact... ici, je ne parle pas par foi ou espoir de croyance, mais par expérience. J'ai assez fait l'expérience des vies passées pour savoir que je suis un esprit. J'ai assez essayé d'autres disciplines (bouddhisme, psychologie, méditation etc.) pour savoir qu'il s'agit de timbales de savoir si on les compare à l'océan de sagesse de la scientologie. Il continuait : "les critiques de la scientologie n'ont rien à quoi à la comparer, et puisqu'il ne sont pas capables de faire face à son ampleur, ils la jugent perverse ou bizarre. Elle n'est ni l'un ni l'autre." Il disait "être ébloui par son potentiel - pour lui-même et pour les autres."

Ca n'intéressait guère Bob d'aller vers une autre religion, et surtout pas la scientologie. "Je ne voyais pas de charité à la scientologie et pas d'amour ni de souci envers les personnes. Et pour moi, ça compte. " Il écrivit en réponse à Greg: "Tes commentaires sur notre relation m'ont été très agréables et précieux, merci. D'une certaine façon, tes idées ont justifié des actions dont j'avais douté jusque là. Je parle ici des étapes entreprises pour créer et conserver un environnement et une atmosphère bien nette de "il faut, on devrait, on ne devrait jamais"... des paramètres que je n'aime pas du tout car ils m'avaient retenu des années. Ma réaction à te lire et "Youppie!" Et tant qu'à être ton père, merci d'être mon fils. Je suis très fier de toi en tant qu'individu, pour ce que tu fais et que tu feras. Greg, tu as une vie longue et intéressante devant toi, et j'en suis très heureux."

Il déclinait ensuite l'offre de son fils: "J'ai trouvé la paix et la compréhension, la grâce. Je te l'ai déjà dit et te le redis, je suis heureux que tu aies trouvé une réponse, une façon de vivre, quelque chose qui emplisse tes désirs. J'ai cela également."

Puis Bob expliqua se sentir une responsabilité d'aide envers ceux qui avaient moins de chance, et le devoir de contributions charitables, "de partage émotionnel et spirituel avec ceux qui pourraient avoir besoin d'amour et de soins. Il continuait: "notre église n'a pas de motivation de profit." C'est ici qu'il fut le plus près de critiquer la religion de son fils.

Il continuait à avoir des doutes énervants, mais se disait "J'étais à l'affût de changements, de comportements irrationnels; je cherchais les problèmes. Il ne vit pas de différence marquée. Des signes d'implication sectaire dont on entend parler, par exemple les relations interrompues, la perte d'esprit critique, il n'en voyait pas. "Pas de grand drapeau rouge à l'horizon; et c'est ça que je cherchais."

Greg continuait à être chaleureux, un fils aimant, généreux en compliments et en mots affectueux. Il parlait chaque semaine avec son père, souvent de politique, de sport, de cinéma, et quand ils pouvaient, ils allaient manger un bout et voir un film ou un match.

Son père ne voyait pas non plus de problème dans la carrière ou la vie de son fils. Greg eut un fils en 1984, il avait un bon boulot à Darcy MacManus & Masius, où il faisait des textes pour les publicités de clients nationaux comme Budget Rent a Car, Allied Van Lines. Il préparait des spots radio pour des clients institutionnels tels Amoco. Le patron de Greg avait fait de brillantes présentations des aptitudes de Greg à "pouvoir traduire des matières techniques et financières complexes en termes lisibles et à savoir habilement mêler humour et information". Greg était compétent et talentueux. Bob ne trouvait rien de concret pour confirmer son anxiété.

Greg fut promu à la vice-présidence; c'est alors qu'une des sociétés de publicité les plus prestigieuses au monde, Leo Burnett [racheté par Publicis il y a quelques mois, ndt] prit contact avec lui. Bob explique que Greg retarda son changement pour passer trois mois d'entraînement intensif au complexe scientologue de Los Angelès.

Il arriva que Bob doive défendre Greg auprès d'autres membres de la famille. Il dit avoir eu des "bagarres" avec des tantes de Greg. Il écrit à l'une d'elles: "Les horreurs que j'ai lues sur la scientologie, ajoutées à mon imagination, font certes naître rage et anxiété. Mais je ne sais faire la part de mes impressions. C'est à dire que je ne sais d'un côté aimer et supporter Greg et prendre par ailleurs un rôle actif dans la destruction de quelque chose en quoi il croit. Mon honnêteté et mon intégrité ne m'autorisent pas à avoir une relation d'amour tout en cachant que je bataille contre ce en quoi il croit avec sincérité.

Bob se demanda quelles étaient ses motivations à cette approche non agressive. "Il y est, et il n'y a rien que je puisse vraiment y faire. Si j'essayais, on serait fâchés. De plus, je n'ai rien vu dans son caractère ou sa personnalité qui démontre une altération de sa personne. Troisièmement, je crois intensément que chacun doit être libre de ses choix dans l'existence. C'est pour cela que je continuerai à l'aimer et supporter ses choix, dans les limites du raisonnable."

La relation de Greg à sa mère s'était détériorée après qu'elle ait critiqué la scientologie, et Bob craignait qu'il ne lui arrive la même chose. Sa relation avec ses cadets s'était largement dégradée lors du divorce, mais ces vilénies avaient en partie été épargnées à Greg, qui était à l'université. Il continuait, dans sa lettre à sa soeur: "Est-ce que je maintiens cette position parce que c'est le seul des trois avec qui je sois en contact? Le seul avec qui je puisse partager mes sentiments et lui les siens? La réponse est non."


Il concluait en expliquant que respecter les choix de son fils comptait davantage qu'un inconfort dans sa position. Cela ne signifiait pas qu'il n'ait pas d'arrière-pensées de temps à autre, surtout lorsque reg avait atteint le niveau de "Clair".

Selon la littérature scientologue, lorsque les gens sont libérés de leurs engrammes, ils peuvent s'attendre à avoir confiance en eux, à être heureux, à réussir dans leur carrière et leurs relations personnelles. On leur dit qu'il regagnent leurs "aptitudes innées" et sont "libérés du cycle des morts et naissances". Mais même alors, il leur resterait des états de conscience plus élevés - et plus chers - à atteindre.

Une fois "clairs", Greg est considéré comme un "thétan opérant". N'étant plus gênés par des engrammes, les OTs auditent pour d'autres raisons. L'église dit spécifiquement que c'est afin de compléter leur développement spirituel. Ils achètent leurs propres électromètres (entre 2200 et 3500 dollars pièce) et apprennent à s'auditer eux-mêmes lors d'un cours d'audition en solo, afin de pouvoir s'auditer chez eux.

 

L'église encourage les débutants scientologues à prendre 12 h 30 d'audition par semaine, pouvant coûter 200 dollars de l'heure. Il n'est pas inhabituel que quelqu'un ait besoin de 150 ou 200 heures pour devenir "clair".

 

[photo: la dianétique, de l. Ron Hubbard]


Ils viennent aussi régulièrement dans les "organisations avancées" de l'église, où ils font des entraînements intensifs, des séances d'audition professionnelles, et des "vérifications de sécurité": les repentis disent qu'il s'agit d'outils pour vérifier la loyauté envers la scientologie. Le mystère entoure les enseignements élevés. Selon le porte-parole de l'église, il faut y être spirituellement préparé, c'est pourquoi on les garde secrets. Greg a semble t il trouvé qu'ils valaient la peine. En novembre 1985, il écrivait à son père depuis Los Angelès: "Le niveau de scientologie auquel je travaille est extrêmement étonnant. Il explique et manie tant de choses que cela remet en cause la réalité qu'on avait et qu'il englobe le tout". Il n'en dit pas davantage. "Les données sont confidentielles pour de bonnes raisons. Mais je peux te dire que ce niveau a trait et résout une catastrophe qui s'est produite il a 75 millions d'années sur terre."

En dépit des efforts de l'église pour cacher ses niveaux supérieurs aux étrangers et aux scientologues des niveaux inférieurs, les repentis les ont fait connaître lors de procès devant les tribunaux, en ont parlé lors de conférences, aux médias, et les ont disséminés sur Internet. La référence que Greg fait d'une catastrophe colle avec le niveau OT 3. A ce niveau, on apprendrait aux scientologues qu'un méchant tyran galactique nommé Xenu, devant régler un problème de surpopulation, rassembla les gens, les congela, les bannit sur terre où il les fit sauter au moyen de Bombes H dans des volcans, et leur implanta alors de faux souvenirs.

Hubbard disait que ces esprits, collés ensemble en conglomérats, seraient désormais attachés à chaque personne vivante.

Hubbard appela ces clusters des clusters ou des Body Thétans (Thétans de corps, ou BTs) et expliquait qu'on pouvait s'en débarrasser comme pour les engrammes, avec l'audition.

Les repentis disent que les BTs, les Thétans de corps, seraient comme les parasites: quand vous croyez qu'il n'y en a plus, vous en trouvez d'autres. On apprend en scientologie qu'ils dormaient, ou qu'ils étaient drogués, sur les niveaux d'après.

Mary Anne Ahmad et Sue Strozewski, qui travaillent aux relations publiques de l'organisation de Chicago, disent qu'elles ne peuvent dévoiler l'information des niveaux supérieurs et que tout détail fourni au public l'est en dehors de son contexte et a probablement été altéré par les ennemis de la scientologie pour ridiculiser cette religion. Elles prétendent que les gens qui partent s'en vont parce qu'ils n'ont pas compris les enseignements d'Hubbard, si bien qu'ils seraient mal placés pour les expliquer. Elles ajoutent que tout aspect d'une religion, une fois isolé du reste, peut paraître bizarre si l'on n'y est pas familiarisé. Strowzeski fournit en exemple l'idée catholique que l'hostie de communion serait le corps du Christ.

D'après elle, personne n'a dépassé le niveau d'OT 8, bien qu'il en existe d'autres. Elle dit que les matériaux de ces niveaux ont été confiés au personnel du RTC (Centre de Technologie Religieuse") de Los Angelès, et ajoute "Je pense qu'ils les protègeraient au péril de leur vie".

En décembre 1985, peu après avoir appris le conte de création de la scientologie, Greg partit pour Clearwater, où la scientologie possède un vaste complexe, l'organisation de service de Flag, qui sert de "Mecque" à la scientologie. Les membres de tous pays prenant les niveaux supérieurs de l'église font des pèlerinages deux fois par an et - explique Ahmad - "viennent pour s'assurer que tout va bien". Elle dit que les visites durent en général une semaine ou deux, mais Bob dit que Greg y passait en moyenne quatre semaines. Bob pensa que les absences de son fils étaient ennuyeuses, surtout lorsqu'il devint père.

Laura passait aussi du temps à Flag, mais il semble "qu'elle allait toujours plus vite que lui dans les cours". Greg fit allusion à sa première année d'université du Kansas, en disant que des problèmes anciens avaient refait surface. Bob savait qu'il avait eu des problèmes à l'époque, mais ne savait lesquels. Il se souvient que Greg était revenu au milieu du premier semestre, l'air déprimé, et qu'il passait pas mal de temps à dormir. Bob lui trouva un psychologue. Quelques semaines après, Greg avait l'air remis et repartit à ses études. Bob n'apprit jamais quelle était la source et ne chercha pas à savoir. Il pensait qu'il avait quelques difficultés passagères à dues à la nouvelle vie hors de chez lui. Vers la fin de cette année d'école, au printemps 74, Bob demanda le divorce. Bien que Bob pensa que Greg était moins affecté par cet incident que les autres enfants, la fille que Greg fréquentait alors a dit qu'il en fut très touché.

Lorsque Greg abordé l'histoire de sa première année d'université en 85 avec Bob, celui-ci ne lui posa pas de questions. "Je me demandais ce qui était arrivé, bien sûr", mais il semble évident que c'était trop gros pour que Bob puisse y faire quoi que ce soit. "Je ne pensais pas devoir entrer dans les détails, je ne suis pas du genre à farfouiller si je ne peux pas aider. Sinon, c'est de la curiosité, quelque chose d'égoïste."

Greg passait ses congés à Flag, en restreignant son budget. Sa femme et son fils avaient décidé d'y aller aussi, écrivit-il à Noël à son père, "mais nous avons décidé de ne pas dépenser ça, car on est assez à sec. J'économise autant que je peux quand je suis à Flag, en partageant la chambre, etc."

Dans une lettre expédiée au Nouvel An à Bob, Greg laisse entendre que les gains valaient les sacrifices financiers et le temps passé loin de ses proches.. Il écrivit "Certes, la scientologie m'a sauvé. J'étais complètement bloqué dans un truc du passé, en ne sachant pas même ce que c'était. Je suis débloqué, et je travaille pour achever tout ça. Ce sera une nouvelle vie quand je reviendrai."

Greg dit aussi à son père qu'il vient d'achever deux nouvelles depuis qu'il est à Clearwater - les premières fictions qu'il ait écrit depuis longtemps, et il confie qu'il a l'intention de faire un recueil de contes sur les banlieues, non pas d'un point de vue extérieur cynique, mais d'un habitant qui observe".

Puis il arrive à quelque chose qui donna à penser à son père. Greg, qui croyait avoir retrouvé en devenant clair ces aptitudes innées depuis longtemps perdues, dit qu'il "a la capacité de communiquer avec les morts". C'est facile, dit-il, c'est comme au téléphone, quand on a la ligne".

Il indique avoir parlé récemment avec la maman décédée de Bob. Greg confie qu'elle a été déçue de ne pas trouver le Paradis annoncé, et il dit l'avoir encouragée à trouver un nouveau corps. je lui ai dit où se trouvait l'hôpital le plus proche, au cas où elle voudrait "renaître" en Californie. Et elle partit, satisfaite et heureuse.

Greg dit qu'il avait eu "d'autres conversations avec des morts, mais que c'était dans le contexte d'auditions formelles, donc, confidentiel. Mais je devrais revenir bientôt à la maison. Ce sera le début d'une nouvelle vie. Mon Dieu, je ne peux attendre de dormir avec ma femme et d'embrasser le fiston!"

Bob se souvient avoir pensé: "Qu'est-ce que c'est que cette connerie?" Pour la première fois, il eut envie de faire face à Greg. Il dit qu'il avait envie de lui dire que sa lettre n'était que de la "merde" et qu'il "était complètement en dehors de la plaque". Il voulait lui demander: "Qu'est-ce que tu as fait de ton esprit critique?"

Mais il se tut. Il pensa finalement qu'on pouvait peut-être parler avec les morts. Et il ne voulait pas être coriace. Il finit par soumettre quelques pages de l'écriture de Greg à un graphologue. "Je lui ai demandé si elle voyait quelque chose d'ennuyeux. et elle a répondu que non." Mais ce n'était pas réglé pour autant, et Bob commença à se demander si Hubbard n'était pas un charlatan. Il eut l'impression qu'Hubbard avait mis bout à bout des choses venant d'autres religions et qu'il en avait emprunté auprès d'autres penseurs - du bouddhisme, de la chrétienté, de Freud, de Edgar Cayce, afin de cibler une population cultivée, potentiellement plus capable de dépenser.

Bob écrivit à son frère quelques jours plus tard après avoir reçu la lettre de Greg. "Mon impression est qu'il faudrait faire une mission de secours pour Greg ... je crains qu'on ne s'engage dans une période assez dure pour un moment."

A partir de là, Bob explique qu'il surveilla davantage ce qui se passait chez son fils, préparant ses méthodes au cas où une alarme s'allumerait. Mais il ne se rendit pas compte qu'il n'était pas en position idéale pour estimer l'influence de la scientologie sur Greg. Emmêlé dans les niveaux secrets, Greg ne révélait que peu de choses sur ses études religieuses ou ses activités liées à l'église. Ce n'est qu'après sa mort que Bob réalisa tout ce que son fils lui avait caché. "Je le connaissais en fils aimant, mon meilleur ami; je n'ai jamais rien su de son autre aspect, et c'était vicieux." Des années durant, Greg paraissait avoir une vie idyllique. Il vivait avec sa femme et son fils dans une maison à étage sur quatre hectares dans Barrington Hills. Il avait toute sorte d'animaux, des chiens, moutons, lapins, chevaux et paons. il avait une vie spirituelle active et créative, un poste très bien rémunéré -- et on l'avait même promu vice-président chez Leo Burnett.

Bob ignore le salaire exact de son fils, mais il sait que ça dépassait les 100000 euros - 700000 F annuels. Il sait aussi que Greg en balançait des tas dans les coffres de la scientologie. Il apprit qu'un plus des cours et des voyages bisannuels à Clearwater, qui coûtaient plusieurs milliers d'euros chacun, Greg était un "patron" de l'association internationale des scientologies (IAS), car il lui avait donné au moins 40000 dollars. L'IAS dit se servir des donations pour protéger le droit à la liberté religieuse. Les critiques de la scientologie disent que cela signifie que les dons vont droit aux frais de guerre et servent à écraser toute menace perçue.

Dans les années 90, il n'existait pas pire menace pour la scientologie que le CAN, le réseau de prise de conscience des sectes américain (un genre de UNADFI, ndt). Le CAN était un endroit où trouver de l'information sur les groupes considérés comme destructifs, et avait amassé un énorme dossier sur la scientologie. Les quartiers généraux du CAN étaient à Barrington, à un jet de pierre de la demeure de Greg, et Greg faisait ce qu'il pouvait pour faire disparaître l'organisation.

Ce sont cinq employés et un bénévole qui faisaient tourner le CAN. Un musicien de jazz ex-scientologue Jim Beebe maniait la plupart des questions au sujet de la scientologie. Il nous raconte: "Quand vous entrez en scientologie, ils vous présentent une façade merveilleuse. Entrez donc; nous allons vous aider à devenir plus capable. Nous allons augmenter votre QI, et vous aider à vous débarrasser de vos problèmes. Tout ça est fort attirant. Et vous allez dans une agence scientologue. Il y a là une dynamique de groupe très excitante. Vous prenez le premier cours, qui porte sur la communication, et c'est un bon petit cours, on y apprend quelques trucs sur la communication, c'est amusant à faire. Mais c'est seulement un piège. Il ajoute: "En scientologie, il n'y a qu'une chose: L. Ron Hubbard, et petit à petit, vous passez d'un cours à l'autre, et vous prenez son état d'esprit à lui. Votre propre manière de penser se remplace peu à peu par celle établie par Ron Hubbard.

Le département de l'Illinois de l'église connaît bien Jim Beebe, et la division relations publiques conseille d'ignorer tout ce qu'il dira. D'après Mary Anne Ahmad, c'est un "antireligieux", un "fumiste" et il "vit dans l'illusion." Elle dit que la scientologie n'a pas de dogme, et sa collègue Sue Strozewski dit que la religion ne donne que la connaissance - ce que vous en faites, c'est vos ognons. Elle ajoute: "Personne n'est là pour vous dire ce qu'il faut croire, ne pas croire, ou la solution à tout. " Pourtant, une solution est garantie.
L'église considérait le CAN comme un groupe de haine anti-religieuse, et Beebe explique que toute personne qui lui est associée est Fair Game ("Gibier de Potence") .

Le magazine Freedom (intitulé Ethique et Liberté ne France) de l'église a publié un rapport mettant en parallèle le CAN et le Klu Klux Klan, expliquant qu'il "engendrait la violence et la haine contre des religions et d'autres organisations, créant un climat au sein duquel même le meurtre était possible". Beebe explique que durant les années 90 les officiels scientologues ont envoyé Greg et une poignée d'autres fantassins pour semer la pagaille dans le CAN. Ils expédiaient leurs cotisations de 30 dollars et commençaient à surveiller les activités du CAN grâce à ses lettres d'information mensuelles. Greg vint à quelques unes des conférences indiquées par les lettres et sema bien du désordre.

Reg Alev, ancien directeur exécutif du CAN, explique qu'aucune de ses rencontres avec Greg n'a été agréable. Il dit qu'il arriva que Greg le coince à la sortie d'une salle de détente, lui hurlant que le CAN était une organisation terroriste. Greg était le genre de gars qu'on voulait toujours aider, dit Alev. Mais un dialogue normal aurait été impossible à ce moment-là: il était très hostile et bruyant, et avait préparé son anathème sur l'organisation que je représentais."

Jim Beebe a dit que Greg a fait des manifestations devant leur bureau, voire devant les maisons des membres du personnel. En 1992, Greg et d'autres scientologues inscrits comme membres du CAN demandèrent à aider: on les refusa. Ils portèrent alors plainte contre le groupe, prétendant à la discrimination religieuse, et Greg déposa plainte devant le ministère des droits de l'homme de l'Illinois.


D'après Cynthia Kisser, qui succéda à Alev en tant que directrice de l'exécutif du CAN, les actions de Greg représentaient une part des efforts concertés de la scientologie pour "harceler et démolir" le réseau. Elle dit qu'entre 1991 et 1996, les scientologues américains déposèrent 50 plaintes quasi identiques parlant de violations de droits de l'homme. Elles furent toutes abandonnées (dénuées de cause), y compris celle de Greg, mais le CAN sombra presque dans cette crise de défense. Il contre-attaqua en 1994, portant plainte contre l'église, sa firme d'avocats, et onze scientologues - dont Greg - pour avoir inondé le CAN de plaintes dénuées de fondement. Un juge de circuit du Comté de Cook démit le procès, mais la Cour Suprême de l'Illinois cassa sa décision, permettant à nouveau au CAN d'ester en justice.

C'est à l'été 1996 que Beebe se retrouva ciblé par une campagne de diffamation. Des personnes lui téléphonaient en lui signalant avoir reçu des documents mettant en cause sa personnalité; cela venait d'une soi-disant ligue anti-diffamation. Les documents disaient que Beebe "avait toujours eu des ennuis de ménage, qu'il semblait un mauvais père , qu'il avait vraiment raté sa carrière de musicien, puis ils comparaient l'opposition de Jim à la scientologie aux campagnes de propagande nazies. Un questionnaire était inclus, et demandait entre autres "si Beebe avait jamais détruit un couple en séduisant la femme d'un scientologue".

Beebe explique que l'envoi de "Paquets de l'agent mort - DA Packs" est une tactique commune aux scientologues pour discréditer les critiques. "Vous recueillez par n'importe quel moyen tout ce que vous trouvez d'infos négatives sur un individu. Vous mettez le tout ensemble. Si vous n'en avez pas assez, vous en fabriquez - et comme dit Hubbard, vous en collez du bien horrible. Puis vous l'expédiez aux amis de la personne, à ses associés, ses employeurs, les médias, partout où ça peut lui faire du tort"

 

 

En novembre 1985, il écrivait à son père depuis Los Angelès: "Le niveau de scientologie auquel je travaille est extrêmement étonnant. Il explique et manie tant de choses que cela remet en cause la réalité qu'on avait et qu'il englobe le tout". Il n'en dit pas davantage. "Les données sont confidentielles pour de bonnes raisons. Mais je peux te dire que ce niveau a trait et résout une catastrophe qui s'est produite il a 75 millions d'années sur terre."

--Photo: couverture du "livre de base de la dianétique"--

 


L'adresse retour des paquets de "l'agent mort" sur Jim Beebe était celle de Greg Bashaw...

Lorsque Jim le questionna à ce propos, il nia les avoir expédiés ou avoir reçu des questionnaires [de dénonciation] remplis.
Beebe écrivit en novembre 96 une lettre à Greg en lui signalant que les choses diffamatoires du paquet de DA avaient provoqué pas mal de tension et de bouleversement dans sa famille, à sa compagne et à lui-même. Beebe demanda à Greg de lui expédier les questionnaires remplis. Greg lui répondit avec mépris avoir jeté les deux pièces depuis un certain temps... disant ne pas s'être rendu compte qu'elles étaient 'diffamatoires' et demandant "Qu'est-ce qu'elles disaient qui ne soit pas vrai?"

Mais le CAN avait déjà rendu les armes sous le poids des problèmes financiers: un jeune pentecôtiste nommé Jason Scott lui avait porté le coup définitif. La maman de Scott avait loué les services d'une personne recommandée par le CAN afin de le "déprogrammer", lui et ses frères, qui n'acceptaient pas de quitter cette secte fondamentaliste avec elle. Scott fut retenu contre son gré dans une maison pour cette déprogrammation. Ses deux frères étaient mineurs, mais Jason avait 18 ans révolus et il porta plainte contre le CAN pour violation de ses droits civils. Représenté par un avocat scientologue, il obtint plus d'un million de dollars de dommages contre le CAN. L'association se mit en faillite peu après.

Lors de la mise en vente des biens du CAN, un scientologue acheta le nom du CAN, le logo et le numéro de téléphone. Des avocats liés à la scientologie réussirent à obtenir tous les fichiers - les noms des donateurs, les correspondances etc. Il y a peu, le "nouveau" CAN informait les gens qui l'appelaient que les "scientologues étaient des gens très bien, vraiment savants, éthiques et honnêtes, et on leur conseillait d'aller vérifier cela en allant dans une de leurs organisations". Les efforts de Greg avaient payé, et la victoire contre le CAN le transporta de joie. Il écrivit en juin 1996 une lettre à un ex-membre du CAN , pour tenter d'arrondir les angles entre eux: "Si vous recevez un appel d'un parent dont l'enfant est scientologue, je crois que je pourrai vous aider. Il ajoutait: Mon but est d'amplifier l'acceptation et l'usage de la scientologie dans le monde."

On raconte aux scientologues que plus ils sont audités intensément, plus rapide sera leur passage sur le Pont vers la Liberté Totale. Bob dit que Greg s'auditait chaque jour, le matin avant d'aller au travail et le soir après le repas jusqu'au coucher. Certains membres et experts du domaine du mental disent que cela peut provoquer des dommages psychologiques. En 1986, Lawrence Wollersheim persuada un jury de Los Angelès que l'église l'avait mené aux frontières de la folie et du suicide.

La psychologue Margaret Singer a témoigné pour lui que l'audition et autres pratiques scientologiques avaient induit des épisodes maniaco-dépressifs et qu'elles étaient la cause principale de sa détresse mentale et émotionnelle. Wollersheim témoigne qu'on interdisait aux employés de l'église de le faire assister professionnellement, alors qu'ils savaient qu'il préparait son suicide; les employés le forcèrent à abandonner femme et enfants, obéissant à une règle interne appelée "déconnexion". Lorsqu'il quitta l'église, il fut déclaré "personne suppressive" et soumis au "Fair Game", ce qui mit en faillite son affaire de photographie. Wollersheim gagna un procès de 30 millions de dollars contre la scientologie.

Ayant adopté le slogan "Pas un sou pour Wollersheim", l'église fit appel à plusieurs reprises, réussissant à réduire la somme à 2,5 millions de dollars, et elle attaqua en justice toutes les personnes impliquées: Wollersheim, son avocat, ses témoins experts, le juge, et tout le tribunal supérieur de Los Angelès. Ce 16 mai 2002, c'est à dire 16 ans plus tard, la secte payait enfin Wollersheim, qui toucha 8,6 millions de dollars, comprenant la somme et les intérêts.

Wollersheim fait tourner www.factnet.org, un site Web destiné à éduquer les gens en matière de sectes et de contrôle mental. Il a dans son site une liste des suicides et décès qu'il croit liés à la scientologie, dont le suicide de Quentin Hubbard, fils de Ron Hubbard, trouvé dans sa voiture, le pot d'échappement entrant dans l'habitacle. La liste comprend aussi Noah Lottick, qui se défenestra du dixième étage d'un immeuble de Manhattan, près d'un centre scientologue.

D'après l'article de fond de Time Magazine en 1991, "Scientologie, secte avide de pouvoir et d'argent", il mourut en tenant ses derniers 171 dollars dans sa main -- virtuellement le seul argent qu'il n'avait pas encore donné à la scientologie. En 1998, Philip Gale, dont la maman travaillait pour une succursale scientologue, le CCDH (Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme), sauta aussi d'un building et se tua - le jour anniversaire de la naissance d'Hubbard.

Le décès le plus marquant de la liste est celui de Lisa McPherson, scientologue de 36 ans qui mourut dans des circonstances mystérieuses en 1995, alors que les scientologues s'occupaient d'elle. Sa tante déposé plainte pour homicide, expliquant que les scientologues avaient étiqueté sa nièce "Source Potentielle de Troubles", PTS, après avoir fait preuve d'instabilité mentale et avoir exprimé le désir de quitter l'église. La plainte disait que les scientologues l'avaient maintenue contre son gré pendant 17 jours à Flag, sur un programme appelé "Procédure d'Introspection", la conservant en isolement et lui refusant les liquides, alimentation et soins médicaux appropriés."

Pendant ce temps, Lisa McPherson tentait de fuir; elle en fut physiquement empêchée, y compris en la ligotant à son lit, et sa condition empira jusqu'à ânonner de façon incohérente, et qu'elle fut incapable de dormir. Elle finit par "tomber dans le coma ou dans un état similaire" et les membres de l'église l'emmenèrent à un hôpital où l'on constata son décès. C'est en 1997 que le St Petersburg Times fit une enquête sur des décès à Flag et fit connaître "sept scientologues en bonne santé apparente, mais qui étaient morts soudainement après être arrivés à Clearwater pour entraînement ou conseils". Steven Hassan, conseiller du domaine de la santé mentale et ex-membre d'une secte, bien que n'ayant pas été scientologue, explique que les séances d'audition demandent en permanence aux scientologues de revivre des traumas réels ou imaginaires: ils se concentrent d'abord sur leur existence, puis quand ils en "sortent", ils vont dans les vies antérieures. Les scientologues ont tendance à devenir "très sensibles à la suggestion", dit-il, ajoutant que lors d'un des cours des débuts, ils font des exercices pouvant "mettre en transe", ces exercices ayant pour but d'apprendre à masquer leurs sentiments réels.

Hassan, auteur de deux ouvrages sur la lutte contre le contrôle mental, dit ne pas avoir d'objection aux croyances scientologues: c'est aux pratiques qu'il s'oppose, y compris ce qu'il appelle le recrutement trompeur. "Ce que je reproche aux groupes comme la scientologie, c'est que vous ne savez pas en quoi ils croient tant que vous n'avez pas des milliers de dollars de dettes et des milliers d'heures d'endoctrinement."

En 1997, Greg quitta Leo Burnett pour Foot, Cone et Belding, une société pour laquelle son père avait travaillé. Aux yeux de son père, c'était une démission: Leo Burnett représentait le sommet de gamme. Lorsqu'ils en discutèrent, Greg attira l'attention de son père sur les petits profits. "Il avait une place de parking spéciale, ce genre de choses, se souvient Bob. Je crois qu'il a essayé de dérouter mes questions." Bob découvrira ensuite que Greg avait laissé tomber après que Burnett ait conquis Prozac comme client - Prozac est un médicament que le CCDH scientologue accuse de "provoquer des rages meurtrières", et qu'elle a tenté de faire interdire par la FDA.
Bob remarqua les premiers changements importants chez son fils à Noël 1999, quand Greg eut l'air de ne porter aucun intérêt aux livres que son père lui offrait à cette occasion.

Quelques mois s'écoulèrent, Greg ne les avait toujours pas ouverts. Bob s'en inquiéta, car Greg lisait habituellement vite les ouvrages; l'un d'eux parlait du tournage des films, ce qui correspondait à ce que Greg devait faire: un documentaire à propos de missionnaires en Equateur, travail qui lui avait été confié en freelance par son ami Jim Hanon, propriétaire d'une agence à Grand Rapids, dans le Michigan. Bob dit avoir remarqué aussi que Greg ne finissait plus les conversations. Il répétait souvent ce que son père venait de lui dire. Hanon remarqua que Greg n'était plus vraiment lui-même; ils avaient tous deux été collaborateurs du domaine créatif chez Leo Burnett au début des années 90. Hanon, directeur artistique, pensait que Greg était un penseur, un poète, un bon écrivain". Mais il estimait que son niveau de créativité actuel était devenu irrégulier. Greg était d'accord avec Hanon, et pensait que "ce changement était dû à l'audition".

C'est en septembre 2000 que Greg annonça à son père qu'il repartait sur Clearwater. "Il m'avait toujours dit ce qu'il faisait, mais à chaque fois, il disait 'je serai de retour dans quinze jours', mais y restait quatre ou cinq semaines." Cette fois-là, se souvient Bob, j'ai dit à Greg "Je trouve que tu passes bien du temps là-bas, je ne comprends pas. Tu passes du temps hors de ton job et de ta famille". Et il m'a répondu: "Tu as raison, Papa. Tu ne comprends pas."

Greg, qui était arrivé sur OT 7, l'avant dernier niveau, ne revint pas avant novembre. Il dit alors à son père qu'il avait été viré de Foote, Cone & Belding, mais que son départ était une décision "prise d'un commun accord".

Le 30 novembre, le téléphone réveilla Bob à 4 h 30 du matin. Laura était au bout du fil, lui demandant de passer voir Greg. Ni le ton de sa voix ni l'heure matinale ne suggéraient une urgence, Bob étant connu comme un lève-tôt, bien qu'il dormit habituellement jusqu'à 5 heures. Il fallait 40 minutes pour aller de chez lui à la maison de son fils. Il promit à Laura de venir un peu plus tard, se leva et prit un café. Le téléphone sonna à nouveau à 6 h 30. C'était Greg, demandant cette fois à son père de ne pas se déranger. Nouvel appel une heure plus tard. Il ne demanda pas pourquoi on l'avait invité, désinvité et réinvité. Il pensa que "son fils était probablement angoissé pour son job." il s'imagina qu'il avait envie d'en parler.

Lorsque Bob arriva, il fut chaudement accueilli par son fils. "Son comportement était aussi normal que d'habitude, se souvient Bob; et d'un coup, il fond et annonce qu'il se prépare à se suicider." Il expliqua même le plan: aller jusqu'à la forêt voisine, avaler une bouteille de Drano. "Le choc fut tel,"explique Bob... Le contraste entre la réalité émotionnelle et l'image que Greg avait projeté jusqu'alors était vraiment fort. "Je le tiens, et il me dit qu'il a manqué tout le monde, qu'il ne vaut rien, qu'il est un raté complet..."

Le voyage à Clearwater avait été un désastre. "Ils l'ont jeté dehors", dit Bob. Greg lui raconta que le personnel de l'église lui avait dit qu'il avait un problème physique qu'ils ne pouvaient arranger, et l'avaient mis à la porte, en lui disant de ne jamais revenir." C'est à ce moment que je me suis dit "Bordel, c'est dans ce truc qu'il s'était embarqué. Et tout m'est arrivé en pleine poire; j'ai enfin réalisé ce que cette saleté lui avait fait."

Greg demanda s'il pourrait rester dormir chez Bob cette nuit-là, mais son père voulait le faire aider par des psychiatres. Il le poussa à aller à hôpital, et Laura fit de même, lorsqu'elle revint de son travail de naturaliste dans une école privée. "Cela me surprit, mais je fus heureux de l'entendre.", explique Bob, qui pense qu'à l'époque, Laura avait quitté l'église. Greg admit à contrecoeur de se faire hospitaliser au service psychiatrique de l'Hôpital Sheperd à Harrington, non pas en croyant qu'on pourrait l'aider, mais parce qu'il ne savait pas où passer la nuit.

Bob revint tard chez lui. Après toutes ces heures de crise, il ne put dormir. Il écrivit un mot informant les médecins de l'implication de Greg en scientologie, et prépara ce qu'il pourrait dire à son fils le lendemain. Au matin, la première chose qu'il dit à Greg à hôpital, c'est que la scientologie était dangereuse, qu'elle était son ennemie. Bob explique qu'il n'avait jusque là jamais dénoncé quelque chose à quoi tenait Greg, ou exprimé son désaccord d'un choix de son fils, et Greg parut blessé et choqué. "C'était comme si je l'avais giflé".

Tous les deux ou trois jours, Bob écrivit aux membres de la famille, les tenant au courant de la situation et leur demandant d'aider Greg à trouver le courage et la force de continuer à vivre. Il dit que Laura et Greg estimèrent que leur vie privée avait été violée. Mais ça paraissait naturel pour Bob d'en discuter avec le reste de la famille, et il se figura que Greg aurait besoin du support de tous - ainsi que d'assurances que les autres feraient ce qu'ils pourraient pour aider son fils. Il voulait que Greg sache qu'il comptait pour les autres. "Je voulais te garder en vie", écrira t il après que Greg lui ait reproché de répandre des nouvelles et que Laura l'ait déclaré
persona non grata".

Bob dit que Greg le pardonna, mais pas Laura. A partir de là, il fut hors jeu et ne vit plus guère Greg. Ils étaient en contact par courrier. Bob préférait les coups de fil aux emails, pensant que Greg aurait plus d'occasion de répondre, plutôt que de plaquer ses remarques entre les lignes. D'une certaine façon, je pensais "je ne veux plus de cette merde façon 'Youppie, tout va bien', que Laura nomme "les Relations Publiques de Greg".


Greg tenta de se suicider à deux reprises par overdose au cours des mois qui suivirent. En janvier, son fils de 17 ans le découvrit comateux sur le sol, aux frontières de la mort. En février, il envoya une note de suicide à Jim Hanon. Hanon la lut 20 minutes plus tard et alerta la police de Barrington, qui arriva à temps pour sauver la vie de Greg.

Les tentatives que fit Bob pour obtenir des informations sur l'état son fils furent inutiles.

Désespéré, il rendit visite au Lisa McPherson Trust, désormais disparu. Le trust était situé à quelques pas du QG scientologue de Clearwater, et son staff se composait de repentis de haut rang ; le Trust avait choisi de dénoncer les pratiques trompeuses et abusives de la secte et de fournir une aide aux ex-scientologues tentant de remettre de l'ordre dans leur vie hors scientologie. Le Trust mit Bob en rapport avec des anciens du même niveau scientologue que Greg, OT 7. L'un d'eux, Greg Barnes, reçut un appel désespéré de Bob: "C'était un père perdu. En pleine détresse. Que fais-je? Prendre contact avec toute personne en mesure d'aider son fils.

Barnes appela Greg environ sept fois au téléphone. Ils avaient bien des choses en commun. Le même âge, mariés, un fils; ils avaient tous deux passé 20 ans en scientologie et étaient des "Patrons" de l'IAS. Barnes était parti de lui-même un an auparavant, après avoir estimé que l'église avait altéré ses enseignements. Greg raconta à Barnes qu'il avait subi des pressions extrêmes lors de son dernier voyage à Clearwater, et que les officiels de l'église lui avaient dit qu'il ne pouvait s'en aller tant qu'il n'aurait pas achevé certaines "recettes". "Il fallait qu'il retourne travailler, il était angoissé, et il le leur avait fait savoir, dit Barnes; Ils ont pris ça comme s'il s'agissait de signes d'instabilité." Il explique qu'ils ont expédié Greg en audition, et que ça a empiré les choses. Si vous appliquez cette technologie de travers, ça peut rendre quelqu'un fou. Vous pouvez vraiment rendre un personne psychotique."

 

LES REPENTIS DISENT QUE LORSQUE QUELQUE CHOSE VA DE TRAVERS EN SCIENTOLOGIE, ON NE FAIT DE REPROCHE QU'A UNE SEULE PERSONNE, ET CE N'EST JAMAIS L. RON HUBBARD

 

Greg raconta aussi à Hanon l'audition qu'il avait reçue lors de sa dernière visite à Flag. Il me confia s'être "ouvert spirituellement lors d'une séance, et il sentit quelque chose se briser dans son mental." Les repentis expliquent que lorsque quelque chose se passe mal en scientologie, on ne fait de reproche qu'à une seule personne, et ce n'est jamais L. Ron Hubbard. Jim Beebe explique: "Sa technologie - ils l'appellent la Tech - sa "tech" marche à tout coup, et si vous n'obtenez pas les résultats qu'il prétend que vous devriez avoir, c'est vous qui n'avez pas fait ce qu'il fallait. C'est vous le coupable."

En bon scientologue, Greg se rejetait le blâme sur lui-même. Il confia à M. Hanon qu'il avait su qu'il existait un risque psychologique à faire des "entraînements mentaux" et que l'église lui avait fait signer un document de renonciation à ce propos. "Je sens que ma participation à ces cours avancés m'a irréparablement abîmé, écrivait-il à son père après sa première tentative de suicide, mais ces choses m'ont été infligées par moi, par mes propres décisions et par ma façon d'approcher les choses. Des milliers de gens font ces cours et vont très bien, c'est moi qui ai engendré ces souffrances énormes en raison de mon audition pas standard, et parce que j'approchais cela de manière pas éthique." Il écrivit pour résumer: "Je me suis foutu dedans moi-même, en utilisant leur technologie."

Greg explique qu'il n'aurait pas du aller sur les niveaux avancés. "On me l'avait dit dès 1981, explique t il. Mais j'ai continué pendant les années 80 et 90, en opposition aux règles de l' église. (Toute personne ayant reçu des conseils psychiatriques ou ayant pris des médicaments psychiatriques, comme ça m'est arrivé en université, est supposée ne pas pouvoir recevoir la moindre audition, et moins encore, les niveaux avancés à Flag.

Barnes mit Greg en contact avec d'autres repentis de haut rang. L'un d'eux avait passé sept ans à essayer de finir OT 7. Elle explique que Greg ne réagissait pas bien: "Il avait des idées noires à son sujet et se croyait recouvert de Body Thétans, et pensait ne pas pouvoir s'en débarrasser."

Greg eut un vague espoir après avoir discuté avec un ex-membre de l'organisation maritime (Sea Org), ces gens qui "tiennent les postes de confiance, les plus importants". Greg eut l'impression que la personne pouvait se servir des pratiques scientologues pour corriger les dommages qui lui avaient été causés. Après lui avoir parlé, Greg promit à son père de ne pas se tuer.

L'ancien membre de la Sea Org, qui a demandé à conserver l'anonymat, n'était pas aussi optimiste. Il dit que Greg "était vraiment fixe". Il sentait que Greg voulait par-dessus tout revenir dans l'église. Il savait que ça n'arriverait jamais plus - Greg lui dit avoir raté une "vérification de sécurité" de Clearwater, et avoir été déclaré "Source Potentielle de Trouble". "A cause de la mort de Lisa McPherson, dit-il, ils sont paranoïaques dès que quelque chose pourrait mal tourner."

Barnes craignait que Greg ne puisse plus être secouru. "Le seul endroit où il pensait parvenir à la liberté spirituelle avait disparu, ses rêves étaient évaporés, on lui avait pris la vie, dit-il. On lui avait fait croire que la scientologie était l'unique solution à ses problèmes. On lui avait dit que la psychiatrie était l'horreur, qu'elle était aux mains des gens les plus vicieux, les plus pervers." La scientologue Mary Anne Ahmad, qui connaissait "vraiment bien" Greg dit ceci: "Ce qui me trouble le plus et qui est très ironique, c'est que les deux choses qu'il détestait le plus sont celles qui se sont acharnées sur lui jusqu'à sa mort: la psychiatrie et les déprogrammeurs".

Elle nie que l'église ait excommunié Greg. "Il semble avoir eu des ennuis assez importants, et a quitté l'église pour arranger son existence. La seule chose que je sache vraiment, c'est que ses ennuis semblaient d'origine familiale Son père, ainsi peut-être que sa belle-mère, élevaient des objections à ses choix dans l'existence, si bien qu'il était sous forte pression. Ajoutez à cela que bien qu'on ait offert de l'aider, il a refusé et a décidé d'aller là où sa famille le lui recommandait, c'est à dire en psychiatrie. Franchement, aucun scientologue n'irait chercher la psychiatrie pour résoudre ses ennuis. [voir note du traducteur en dessous du texte]

Ahmad a refusé de dire quel genre d'aide la scientologie avait offerte. Dans un courrier du 28 février 2001, il mentionna que l'église lui avait proposé une "séance de révision/revue" alors qu'il était à Clearwater, et qu'il avait refusé, en raison du temps que ça demanderait. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi tant d'anciens membres avaient lancé des campagnes brûlantes contre l'église, Ahmad a répondu "Il n'y a qu'une raison, et une seule: il y a des quantités de mots qu'ils ne comprennent pas, ce qui les empêche de saisir ce dont s'occupe la religion."

Dans certaines de ses lettres du printemps 2001, Greg semble renaître et reprendre espoir. Hanon s'est débrouillé pour le faire travailler trois jours par semaine dans son agence de Gran Rapids, où il loge dans un Bed and Breakfast. Tous deux dînent ensemble une fois par semaine; il passent parfois un week-end chez lui, à jardiner et à emmener son fils au concert. Greg dit une fois à son père avoir trouvé un éditorial à écrire, et envisager de revenir au journalisme.

Bob se demande quelle est la part de "Relations Publiques de Greg" dans ce qu'il a entendu. Dans un courrier du 24 mars 2001, il rappelle à Greg des choses qu'il lui avait dites, "qu'il était irréparablement abîmé", que son état mental "ne s'améliore pas", et qu'il s'est lui-même fichu dedans. Bob l'a pris au sérieux. Il a découvert une retraite pour des gens qui sortent de sectes, dans l'Ohio: c'est Wellspring. "C'est un endroit où l'on réside, on mange ce qui est fait sur place, on a une chambre pour soi", décrit Bob, pour que ça attire un peu son fils. Il lui communique l'adresse, le mail et le fax.

Ca n'intéresse pas son fils. "Un des trucs qui se passent quand on prend les sales coups qui me sont arrivés, c'est qu'il faut assumer qu'on a cru quelque chose qui est faux, et qu'il faut le balayer avec autre chose", répond-il. Il explique "Quand la vie est en ruines, c'est qu'on a choisi les croyances qui y ont mené, et elles sont donc suspectes." Il dit vouloir travailler à aller mieux, mais que la "déprogrammation" à Wellspring ne fonctionnerait pas. "Je sais que je n'irai pas mieux à faire quelque chose en quoi je ne crois pas du tout... quand on est dans un mic-mac comme moi, les gens ne font que suggérer leurs croyances de remplacement (le Christ, la prière, la thérapie etc.) Quand on a atteint cet âge, on a une idée assez complète de ce qu'on croit ou en quoi on ne croit pas. Chez moi, les idées sont basées sur pas mal d'information. (j'ai été éduqué et j'ai étudié chrétiennement, j'ai entrepris une thérapie, et j'ai essayé la prière à l'université)."

Certains des messages suivants de Bob restèrent sans réponse, et Laura renvoya une des lettres sans l'ouvrir. Bob força le ton dans la suivante, datée du 10 avril. Il écrivit pouvoir respecter - ou au moins tolérer - les croyances des autres, pour autant qu'elles soient bénignes. "Le suicide, ce n'est pas un résultat positif, d'où mon intervention marquée." Greg avait fait connaître une affinité pour la philosophie bouddhiste, et bob, saisissant le fil, l'implore de rencontrer un moine bouddhiste pour être conseillé. "Il y a des alternatives [au suicide] et des solutions". Quand Greg finit par répondre le 29 avril, il ne parle pas de la suggestion de Bob.

"J'admets que tu aies laissé de côté des commentaires et suggestions de mes deux dernières lettres, écrit Bob le 6 mai. Mais après la série de messages et d'incidents du mois dernier, les lettres renvoyées et les appels téléphoniques sans réponse - je me demande si tu les lis."

Greg répond par retour et assure son père qu'il a lu les lettres. Faisant preuve d'un optimisme réservé, il relate avoir "ressenti un oasis de paix" s'épanouir en lui, bien qu'il s'attende à une lente guérison. "C'est presque comme si j'avais eu un infarctus spirituel et mental, et me voilà en quelque sorte contraint de réapprendre à me servir d'une fourchette..." Il continue en faisant partager les conclusions sur le rôle qu'aurait joué la scientologie dans tout cela: "Au cours de la dernière décennie, je me trompais moi-même quant aux services que je prenais là-bas, et sur la progression qu'ils m'apportaient. Je les voulais ainsi... Si j'y repense, il aurait mieux valu que je passe ces dix années à me faire une vie de famille, une carrière, comme la majorité des gens le font... Passer tout mon temps à ces services est incroyablement exigeant en termes de temps, d'argent et d'engagement. Le fait que ça n'ait pas payé, voilà une pilule particulièrement amère à avaler. Que j'aie abouti en fin de rouleau en pire état que dans tout le reste de mon existence, ça, c'est totalement irréconciliable avec un quelconque concept de réalité."

Greg paraissait pourtant penser à l'avenir. "J'aimerais en arriver à un point où je me focaliserais plus sur ma propre incapacité, continue t il. Récemment, ça m'a été difficile de parler aux gens, parce qu'en fin de compte toute la conversation tournait autour de comment j'allais et ce que je faisais. C'est la raison pour laquelle j'ai peu téléphoné."

Tout optimisme disparut hélas en juin. Hanon explique avoir remarqué chez Greg un changement de personnalité, et des difficultés de réflexion. Il dit que Greg lui a confié "avoir quelque chose de cassé que l'église de scientologie pourrait réparer, et l'impression qu'ils ne feraient rien." Pendant les deux dernières semaines de la vie de Greg, l'agence d'Hanon n'avait pas de travail à lui confier. Il est resté à Barrington Hill, son état mental empirant. Il devait 27000 dollars à sa banque et avait 29000 dollars de dettes sur ses cartes de crédit. Bob explique qu'en février, Laura avait commencé à parler de porter plainte contre l'église afin de récupérer de l'argent payé d'avance pour des cours et services. "On m'a dit qu'il y avait près de deux cents mille dollars au crédit...", dit-il.

Greg refusa obstinément de porter plainte. Quand Laura commença à discuter de son projet de remboursement, Greg écrivit à son père en lui disant qu'il ne voulait pas devenir une "tête d'affiche" pour les effets néfastes de la scientologie. "Cela nous provoquerait honte et embarras, et en outre, je pense que cela correspondrait pas à ce que je crois".

Début juin, Hanon reçut un appel désespéré de Greg. Il me demandait "Que puis-je faire? Il était en crise; il se sentait perdre le contrôle. Je n'avais pas de réponse. Je lui ai dit de venir immédiatement." Greg a fait les quatre heures de route vers Grand Rapids. Hanon fut étonné qu'il soit arrivé vivant. "Il était encore cohérent, mais à peine capable de taper à la porte, il tremblait, mais avait perdu tout fonctionnement normal."

Hanon et sa femme prièrent avec Greg, et quelques jours plus tard, Greg fut d'accord pour se faire admettre à hôpital de Pine Rest, proche de là. Au début, explique Greg, il refusa de prendre des médicaments et de faire des séances de conseil. "Il me semblait conditionné, il y avait cette part de son entraînement qui lui interdisait d'accorder la moindre valeur à ce que dirait un psychiatre." Depuis 20 ans, il était engagé en scientologie, spirituellement, mentalement et financièrement. Il s'était préparé à "perdre son mental réactif", mais il avait perdu bien davantage que ce qu'il escomptait. "Il y a des moments où il était rationnel, dit Bob, et à d'autres, il se rendait compte qu'il débloquait. C'était l'horreur totale pour lui, la terreur."

La scientologie dit posséder la "solution à tous vos problèmes", explique Greg Barnes. "Puis vous vous rendez compte que la plupart des problèmes que vous avez ont été créés par la scientologie." Barnes explique que Greg le savait mais ne pouvait l'encaisser. Greg Bashaw ne pouvait laisser tomber tout l'endoctrinement qu'il avait intégralement gobé. Il vibrait, il poussait tant qu'il pouvait, donnant l'impression qu'il y arriverait. Mais il passa un très mauvais moment à réaliser qu'il avait vécu un mensonge. Tout ce qu'il avait cru avait perdu réalité."

Greg écrivit pour la dernière fois à Bob le 20 juin. "Je voulais t'appeler pour la fête des pères, mais j'étais hospitalisé à Pine Rest, et je n'avais pas de carte téléphonique. Ma condition a largement empiré il y a trois semaines. J'ai passé les quinze derniers jours à hôpital; maintenant, je passe au statut de patient externe. Il implorait Bob de persuader Laura de ne pas poursuivre l'église. "Ils lui mettraient 50 avocats en face du seul qu'elle prendrait, afin de pouvoir gagner le procès. Et la pression exercée sur elle serait énorme... j'apprécierais beaucoup que tu puisse lui demander de penser à tout cela, comme je le fais depuis des mois. Greg continuait en disant qu'il quittait hôpital cet après-midi, bien qu'il ait l'impression que c'était trop tôt. "Je leur ai dit ce matin que je me sentais encore déprimé et suicidaire, mais ils me poussent à partir parce qu'il ne me reste que deux jours pris en charge par l'assurance!". Il achevait par "PS: Merci d'être un fameux Père".

Un peu après, Greg conduisit de Grand Rapids à Grandville, à 12 Kms, et s'inscrivit à la Résidence. Il passa voir Hanon chez lui après le repas, pour une courte visite. Hanon confie que Greg semblait avoir changé son point de vue et qu'il paraissait vouloir entreprendre son traitement de patient externe.

Trois jours après, Greg s'arrêta sur une bretelle d'une route du comté de Montcalm, au Nord Est de Grand Rapids. Il attacha un tube au pot d'échappement de la Honda, le passa dans la fenêtre et mit une serviette dans l'ouverture restante. Il inclina le siège passager, se croisa les bras sur la poitrine, et respira sa dose mortelle de monoxyde de carbone - exactement comme le fils de L. Ron Hubbard 25 ans plus tôt. La police découvrit un mot de suicide dans sa chambre d'hôtel. Il n'y avait qu'une phrase: "Adieu, mon fils. Tu étais un bon gars. Love, Papa."

La dernière lettre de Greg parvint à Bob après qu'il ait appris le suicide. Bob s'assit et écrivit l'annonce pour la mort de son fils, qu'il fit publier dans le Chicago Tribune. "In memoriam - à un journaliste diplômé, discipliné et dur à la tâche, écrivain doté de créativité et d'imagination, aimé de sa famille et de ses amis, respecté de ses contemporains, et qui fit confiance à une entité qui détruisit sa douceur et son tempérament de partage. Il pensa que son parcours était trop douloureux pour valoir de continuer à vivre, et fut sourd et aveugle à ceux qui l'aimaient. Que Dieu te garde, Greg, et que Dieu nous bénisse tous."


Traduction Roger Gonnet, ancien cadre dirigeant scientologue

 



Note à propos de ce passage: "La scientologue Mary Anne Ahmad, qui connaissait "vraiment bien" Greg dit ceci: "Ce qui me trouble le plus et qui est très ironique, c'est que les deux choses qu'il détestait le plus sont celles qui se sont acharnées sur lui jusqu'à sa mort: la psychiatrie et les déprogrammeurs".

Je suis extrêmement scandalisé de lire, pour la énième fois, que la secte ose rejeter la responsabilité de la mort d'une de ses victimes sur un psychologue ayant discuté quelques heures deux décennies auparavant... alors que la secte a pratiqué son lavage de cerveau pendant plusieurs milliers d'heures, pour finir par déclarer la personne inapte à continuer - ceci comme par hasard, quand cette personne n'a plus de fortune.

C'est plus écoeurant encore de lire qu'elle rejette la faute sur le père, en passant sous silence le fait que celui-ci n'a commencé à prendre parti contre la secte qu'après les déclarations suicidaires de son fils - et ce , malgré tout ce qu'il avait déjà appris sur "la religion" de son fils, comme il l'appelle quand-même. Quant à dire que la critique de la religion du fils par le père pourrait poser de vrais problèmes à un adulte d'âge mur, cela ne peut être vrai que si la "croyance" du fils est fort sectaire.

On constatera aussi hélas que le système médical américain mérite parfois sans doute d'être montré du doigt pour les mêmes causes d'avidité que la scientologie. Relâcher un suicidaire patent et multirécidiviste pour cause d'assurances n'est pas vraiment un signe d'humanité.



Jim Beebe

44 court of Greenway
Northbrook, Il 60062
Oct. 19, 2002

To the Editor
The Chicago Reader
11 East Illinois st.
Chicago, IL 60611

The Chicago Church of Scientology's Mary Anne Ahmad's diatribe (Oct. 16) against the Reader and writer Tori Marlan for printing Marlan's "Death of a Scientologist story is typical of Scientology's rabid fanaticism.

It is a sad truth that in the U.S. almost anyone can call almost anything a religion and can quite easily get a tax-exempt status from the IRS. I was a member of Scientology in the 70s when L. Ron Hubbard had an epiphany and realized that he could get out of paying taxes by declaring his Scientology-Dianetics concoction a 'religion.' We Scientologists were instructed to wear clerical collars and to call ourselves ministers so that the public would perceive us as a real 'church.' A 15 minute Ordination course was thrown together and after this and paying $200, there we were ministers and 'parishioners' in the Church of Scientology. Hubbard drew up a nice sounding 'Creed' and awarded himself the title of "Doctor of Scientology." This was a farce then which we all had a lot of fun with but it is a dangerous con now.

Mary Anne Ahmads religious pretentions and her accusations against the Reader and Tori Marlan ring very hollow when one considers her background. Ms. Ahmad was very deeply involved in the intensive harrassment campaign which Scientology mounted against the Cult Awareness Network (CAN). Soon after I went to work as a CAN staff member, she sent around letters trying t frame me on
hate mail charges. These were phony charges and, of course, she could not back them up. Ahmad and the late Greg Bashaw attempted to steal CAN mail. Bashaw showed up at CAN's diversionary Mail drop, flashed some bogus papers and demanded that CAN's mail be turned over to him. Ahmad followed this up with demanding & threatening phone calls. Fortunately, an alert and determined Mail
drop owner refused to turn CAN mail over to them.

Randy Kretchmar, an associate of Mary Anne Ahmad at the Chicago Church of Scientology, was named in a Declaration as an accomplice in a bizarre plot to murder Cynthia Kisser, the Executive Director of CAN. Fortunately this plot was aborted. Gary Scarff, a Scientologist at the time and Kretchmar's partner in this murder plot also infiltrated CAN as a Jonestown survivor. Scarff appeared around the country with his phony Jonestown survivor act until he was
discovered to be a spy for the Church of Scientology. All of this did
considerable damage to CAN along with an estimated 25 million dollars that Scientology spent on legal and other harassments. CAN was forced into bankruptcy and CAN closed in 1996.

As a CAN staff member I took at least two phone calls from women seeking information on Scientology who had found letters from Mary Anne Ahmad to their husbands. Their husbands had been lured into Scientology via a Management scam, the wives refused to ge involved and subsequently Ahmad wrote to the husbands, instructing them to get divorced and how to do it so that Scientology would not be seen as being involved

These are a few sad examples of the kind of religious activities that
Scientology 'parishioners' like Mary Anne Ahmad are involved in.

Mary Anne Ahmad quotes the 'Creed' of the Church of Scientolog?¦" we believe that the Laws of god forbid man: to destroy the sanity of another; to destroy or enslave another's soul"â?¦.What a joke. This is exactly what Scientology did to Greg Bashaw. Greg told his family before he took his life that "Scientology had destroyed his mind." The Church of Scientology bankrupted the Bashaw family for close to $500,000.

Tori Marlan's article was very powerful and she is to be applauded for her metculous research and her writing skills. And many thanks to the reader for giving Tori the time and the space to do it right and for having the guts to print it. Robert Bashaw showed a great deal of courage and concern for others in sharing his grief and letter exchanges with his son, Greg. There are families all over this country that have been devastated from a family member's involvement with the malignant 'Church' of Scientology. If Tori Marlan's article helps one person get out of scientology or saves one from getting involved it will have served a very worthy purpose.
To Mary Anne Ahmad I say, get out of this subversive cult and into a real church,

Jim Beebe